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Photo du rédacteurThierry Vimal

RIRES DE MORT

De retour de chronique

je vis traversant le hall grandiose

un homme sous capuche

accompagné d’un gendarme.

Quel était ce nouveau lascar ?


Formule inédite de la Cour :

« Levez la main et dites je le jure,

mais vous n’êtes pas obligé

de lever la main ».


Pas un lascar. Il est bien.

C'est le cousin germain

de qui l’on sait.

C'est chez sa mère

que l’auteur de l’attentat

prit son dernier repas.

Lui n’était pas au courant.


Il nous raconte

avec la voix de Fabrice Éboué

en infiniment plus sérieux

les doléances du cousin.

« Ma mère ne s’occupait pas de moi

comme tu t’occupes de tes fils. »

disait-il à sa tante.

Un peu beaucoup de reproches à ses parents.

Il nous explique

la famille du tonton,

le repas de pain dur mouillé

pris dehors dans la bassine.

De rustres campagnards

pingres.

Comprenons :

les dégénérés du village.


Son cousin était négligé de vêtements.

(Ses maîtresses de la danse

le décrivent

coquet.)

Il était :

Dans la réalité.

Non délirant.

Taciturne.

Non bipolaire.

« Si je pouvais, j’irais en Israël, faire un truc » :

l’un de leurs rares débuts

de conversation.


« Tu as vu ce qu’ils font aux Musulmans ? »

s'insurge celui

que d’autres ont décrit

détestant être Arabe

détestant les Arabes

se faisant passer

pour juif ou brésilien.

– Qui ils ? »


« Personne n’a soupçonné

qu’il préparait quelque chose. »


« Pourquoi tu souris ? »

a-t-il demandé hier

aux abords de l’audience

à son oncle

Tête-en-pavé-du-Djebel.


Hier encore, dit-il,

dans la salle des témoins

adjacente à la sienne

où attendaient Tête-en-pavé,

son épouse et ses filles,

ça rigolait à gorge déployée


« On se regardait avec ma mère :

Sérieux, ils rient ?

– Oui, ils rient.

Difficile de dire qui riait.

Je ne dis pas ça pour les enfoncer

mais ça m’énerve. »

T’inquiète,

courageux cousin

ils ne sont pas accusés :

rien ne va les enfoncer

nulle part

ils vont rentrer au bled

manger du pain dans des bassines.


Quant à l'une des sœurs

de l’auteur des faits,

le soir même du 14 juillet

elle envoya ce message

caustique :

Le camion cherche des pokémons.

Gageons que si elle avait su

son frère au volant

elle se serait abstenue

de ce trait d'humour

par crainte

des emmerdements pénaux.


Pokémon Go

était un jeu sur smartphone

consistant à attraper des pokémons

présents sur la voie publique

en réalité augmentée.

Il faisait fureur.

Sûr que la Señorita connaissait.

Moi non

jusqu’à ce que

mes dix heures quotidiennes en ville

d’administrations en structures d’accueil

assorties d'environ

six heures

d’utilisation de téléphone

me contraignissent à me rendre

au célèbre magasin d'articles électroniques

acheter une batterie portative.

Le vendeur s’esclaffa :

« Vous me faites une blague, Monsieur ! »

Eh non.

Ce n'était pas mon état d'esprit.

J'étais l'un des derniers Français

à ignorer qu’avec Pokemon Go

le pays était en rupture

de batteries portatives.


Par la suite

combien de personnes vîmes-nous

sur la Prom’ et ses alentours

au milieu des montagnes de fleurs

dessins, portraits,

messages et bougies

chasser le Pokémon.


Réalité augmentée.


Pour le cousin courageux

l’attentat du cousin teigneux

ressemble plus aux fusillades

des lycées américains

qu'à de l'islamisme.


La différence est-elle

si nette

entre un fanatique musulman

un jeune américain exalté

et un petit teigneux assoiffé de revanche ?

Pas tellement,

du point de vue des ténèbres,

du point de vue de l’intuition

de temps obscurs à venir,

que nous nous appliquons

à forger ensemble

– et qui ne feront que passer,

comme tous les autre temps :

quelques siècles et puis s’en vont.




Un second témoin

Tunisien

en visio depuis Nice.

Encore un maillot de sport

bleu,

tout comme le policier penaud.

Finalement

il s’agit peut-être

du maillot officiel

de l’équipe de crétins

qui mena l'impeccable travail collectif

qui conduisit au résultat qu’on sait.


Ce sont les footballers frustrés

de n’être pas Ronaldo

(dont ils jalousent

non pas la technique

mais le chéquier et les followers)

qui

dans un formidable consensus

inconscient et trans-social

engendreront

la chute de notre civilisation.


« Vous le connaissiez bien, M. Bouhlel ?

– Bah on prond des cafés.

Des fois.

Je le connais pas plus, quoi.

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?

Juste comme ça

un jour il m’appelle

et il me djit « on prond un café »

et je lui djis d’accord

et on prond un café.

Peut-être vingt minutes

et puis voilà hein,

c’est tout.

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? »

Enseignement de ce procès :

le trentenaire arabe

boit beaucoup de café.



« Vous le voyiez souvent ?

– peut-être… deux fois par mois.

Mais des fois

peut-être

pendant tout un mois

on prond pas de café. »


« Bah an travaille onsomble

Possible parler en arabe s’il vous plaît ?

– Non. Vous parlez français.

– Je compronds pas tous les mots là.

On travaille onsomble. Avec son cousin. »


« Bah Bolil ? Un mec normal.

– Nous ne savons pas ce qu’est

un mec normal.

– Bah, normal, quoi.

– C’est une Cour d’Assises, faites un effort

de description,

c’est important.

– Bah quand j’lai vu,

j’ai pas vu de trucs

pas normals, quoi.

– Il était nerveux ?

– Ah ouais. Il se fâche, au travail, et tout.

Mais c’est parce qu’il fait de la muscu.

Il aime montrer son corps.

– Il vous semblait intéressé par la religion ?

– Jamais.

– Il était croyant.

– Jamais.

– Il vous a montré des vidéos violentes ?

– Jamais.

– Est-il déjà venu chez vous ?

– Fronchemont, s'il est venu à la maisan

j’ai oublié.

Ca fait six ons.

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?

– A un moment,

vos téléphones

bornent au même endroit.

Le vôtre appelle M. Arefa

ici présent dans le box des accusés.

– P’têt c’est Bolil

il appelle Arefa

avec mon téléphone.

J’sais pas.

– Vous prêtez souvent votre téléphone ?

– Non. P’t’êt’ il avait plus de forfait, je sais pas.

Ça fait six ons.

– Il avait du forfait : il a passé

d’autres appels

au même moment.

– Fronchemont je sais plus.

– Vous vous rendez compte

qu’on juge des faits graves ? »


Parfois il se penche en avant

d’ennui

parfois en arrière

toisant.

Si l’on doit trouver

quelque part

un peu de réconfort :

il cache mal

son agacement

d'être interrogé par une femme.


« Vous connaissiez les accusés ?

Regardez les bien.

Vous en avez vu moult photos. »

Moult n’est pas le mot

que j’aurais choisi

avec ce gars-là.

Attention que ce procès

ne ressemble pas trop

à un jugement inter classes.


« M. Arefa, ici présent,

que votre téléphone a appelé,

votre épouse le connaît très bien.

Mais pas vous ?

– Non.

– Vous ne l’avez jamais vu ?

– Jamais. »


Il est catégorique.

Sourire satisfait.

T’as vu, madame le Juge,

comment j'suis trop insolent ?

j’suis trop une grosse racaille

pour vous, là.

Sérieux ça m’fait rire,

comment je mens, là,

à la Cour d’Assises

comment je suis trop à l'aise

devant une magistrate

comment je me paye la tronche

de tout le monde.

comment je suis fier

d’afficher ma misère humaine

affective, intellectuelle.


« A la fin, ouais, Bolil il était maigre.

Je me suis djit :

c’est les problèmes avec sa femme.

– On vous voit avec lui

le 13 juillet au soir

au Port, rue Cassini,

vers 22 heures

devant le camion

calendre ouverte.

– eh ouais,

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?

il a photographié plein de monde

avec le camion.

Pour nous faire plonger, tous.

Eh ouais. »


Il n’essaye pas de paraître innocent.

Non.

C'est mieux de sourire encore plus.

Le presque rire

du con

tellement fier de lui.

Devant qui ?

Devant rien.

Devant lui-même,

ça lui suffit,

au petit dealer looser.

Après, il ira prendre un café.

Raconter à ses amis

qui ne sont pas des amis

– ceux-là n’ont pas d’amis.

Il va user de ses cinquante mots.

La meuf là, la juge,

sa race

trop vénère mon frère.

– Mais il n’a pas plus de frères que d’amis

même en termes d’Islam.

Bah ouais j’y djis

fils de pute

ça fait six ons quoi

j’y djis

Elle en pouvait plus

sa mère

sa race

la pute

normal

Bah ouais.

Fils de pute;


Pour la tirade suivante :

juste changer l’ordre

des phrases.

Certes il n’est pas né francophone.

Sans doute possède-t-il

en arabe

le double de mots.


On en rirait

d'un gars comme ça

s'il ne participait pas

à l’alignement anti cosmique

de planètes vides

qui bientôt va précipiter

un camion de 19 tonnes

dans la foule insouciante.


Ce gars est de ceux

qui interpellent les femmes

à la sortie du tram Garibaldi.

« T’es jolie hein Mademoiselle

Sérieux t'es trop charmonte.

Tu t’appelles commont ?

– Lâche-moi.

– Ta mère la pute mocheté suce ma bite. »

Ce sont eux aussi

qui, après les attentats,

filment

pillent les morts

et les mourants.

Il doit s’en vanter encore.

Ils sont en liberté

dans toute la ville.

Heureusement

la ville n’est pas au courant.

Elle ne l’apprendra pas

dans cette chronique

qu’elle ne lit pas.


86 morts

plus de 450 blessés physiques

des milliers de traumatisés

qui ne s’en remettront pas.


Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?


Cette chronique n'est pas dédiée

à l'extrême-droite.

Extrême-droite

avant de te jeter dessus

fidèle à ton tempérament de feu

tu dois savoir

que je ne suis pas de droite

et surtout

tu devrais lire

toutes mes autres chroniques

avant de décider

de partager.


Sache par ailleurs

que J’ai observé les mêmes

tragiques spectacles

de vacuité

à des niveaux socio-culturels

bien plus élevés

avec vocabulaire et argent

et nationalité française

depuis plusieurs générations.

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1 Comment


Guest
Nov 13, 2022

C’était drôle …a pleurer de rage

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