De retour de chronique
je vis traversant le hall grandiose
un homme sous capuche
accompagné d’un gendarme.
Quel était ce nouveau lascar ?
Formule inédite de la Cour :
« Levez la main et dites je le jure,
mais vous n’êtes pas obligé
de lever la main ».
Pas un lascar. Il est bien.
C'est le cousin germain
de qui l’on sait.
C'est chez sa mère
que l’auteur de l’attentat
prit son dernier repas.
Lui n’était pas au courant.
Il nous raconte
avec la voix de Fabrice Éboué
en infiniment plus sérieux
les doléances du cousin.
« Ma mère ne s’occupait pas de moi
comme tu t’occupes de tes fils. »
disait-il à sa tante.
Un peu beaucoup de reproches à ses parents.
Il nous explique
la famille du tonton,
le repas de pain dur mouillé
pris dehors dans la bassine.
De rustres campagnards
pingres.
Comprenons :
les dégénérés du village.
Son cousin était négligé de vêtements.
(Ses maîtresses de la danse
le décrivent
coquet.)
Il était :
Dans la réalité.
Non délirant.
Taciturne.
Non bipolaire.
« Si je pouvais, j’irais en Israël, faire un truc » :
l’un de leurs rares débuts
de conversation.
« Tu as vu ce qu’ils font aux Musulmans ? »
s'insurge celui
que d’autres ont décrit
détestant être Arabe
détestant les Arabes
se faisant passer
pour juif ou brésilien.
– Qui ils ? »
« Personne n’a soupçonné
qu’il préparait quelque chose. »
« Pourquoi tu souris ? »
a-t-il demandé hier
aux abords de l’audience
à son oncle
Tête-en-pavé-du-Djebel.
Hier encore, dit-il,
dans la salle des témoins
adjacente à la sienne
où attendaient Tête-en-pavé,
son épouse et ses filles,
ça rigolait à gorge déployée
« On se regardait avec ma mère :
Sérieux, ils rient ?
– Oui, ils rient.
Difficile de dire qui riait.
Je ne dis pas ça pour les enfoncer
mais ça m’énerve. »
T’inquiète,
courageux cousin
ils ne sont pas accusés :
rien ne va les enfoncer
nulle part
ils vont rentrer au bled
manger du pain dans des bassines.
Quant à l'une des sœurs
de l’auteur des faits,
le soir même du 14 juillet
elle envoya ce message
caustique :
Le camion cherche des pokémons.
Gageons que si elle avait su
son frère au volant
elle se serait abstenue
de ce trait d'humour
par crainte
des emmerdements pénaux.
Pokémon Go
était un jeu sur smartphone
consistant à attraper des pokémons
présents sur la voie publique
en réalité augmentée.
Il faisait fureur.
Sûr que la Señorita connaissait.
Moi non
jusqu’à ce que
mes dix heures quotidiennes en ville
d’administrations en structures d’accueil
assorties d'environ
six heures
d’utilisation de téléphone
me contraignissent à me rendre
au célèbre magasin d'articles électroniques
acheter une batterie portative.
Le vendeur s’esclaffa :
« Vous me faites une blague, Monsieur ! »
Eh non.
Ce n'était pas mon état d'esprit.
J'étais l'un des derniers Français
à ignorer qu’avec Pokemon Go
le pays était en rupture
de batteries portatives.
Par la suite
combien de personnes vîmes-nous
sur la Prom’ et ses alentours
au milieu des montagnes de fleurs
dessins, portraits,
messages et bougies
chasser le Pokémon.
Réalité augmentée.
Pour le cousin courageux
l’attentat du cousin teigneux
ressemble plus aux fusillades
des lycées américains
qu'à de l'islamisme.
La différence est-elle
si nette
entre un fanatique musulman
un jeune américain exalté
et un petit teigneux assoiffé de revanche ?
Pas tellement,
du point de vue des ténèbres,
du point de vue de l’intuition
de temps obscurs à venir,
que nous nous appliquons
à forger ensemble
– et qui ne feront que passer,
comme tous les autre temps :
quelques siècles et puis s’en vont.
Un second témoin
Tunisien
en visio depuis Nice.
Encore un maillot de sport
bleu,
tout comme le policier penaud.
Finalement
il s’agit peut-être
du maillot officiel
de l’équipe de crétins
qui mena l'impeccable travail collectif
qui conduisit au résultat qu’on sait.
Ce sont les footballers frustrés
de n’être pas Ronaldo
(dont ils jalousent
non pas la technique
mais le chéquier et les followers)
qui
dans un formidable consensus
inconscient et trans-social
engendreront
la chute de notre civilisation.
« Vous le connaissiez bien, M. Bouhlel ?
– Bah on prond des cafés.
Des fois.
Je le connais pas plus, quoi.
Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?
Juste comme ça
un jour il m’appelle
et il me djit « on prond un café »
et je lui djis d’accord
et on prond un café.
Peut-être vingt minutes
et puis voilà hein,
c’est tout.
Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? »
Enseignement de ce procès :
le trentenaire arabe
boit beaucoup de café.
« Vous le voyiez souvent ?
– peut-être… deux fois par mois.
Mais des fois
peut-être
pendant tout un mois
on prond pas de café. »
« Bah an travaille onsomble
Possible parler en arabe s’il vous plaît ?
– Non. Vous parlez français.
– Je compronds pas tous les mots là.
On travaille onsomble. Avec son cousin. »
« Bah Bolil ? Un mec normal.
– Nous ne savons pas ce qu’est
un mec normal.
– Bah, normal, quoi.
– C’est une Cour d’Assises, faites un effort
de description,
c’est important.
– Bah quand j’lai vu,
j’ai pas vu de trucs
pas normals, quoi.
– Il était nerveux ?
– Ah ouais. Il se fâche, au travail, et tout.
Mais c’est parce qu’il fait de la muscu.
Il aime montrer son corps.
– Il vous semblait intéressé par la religion ?
– Jamais.
– Il était croyant.
– Jamais.
– Il vous a montré des vidéos violentes ?
– Jamais.
– Est-il déjà venu chez vous ?
– Fronchemont, s'il est venu à la maisan
j’ai oublié.
Ca fait six ons.
Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?
– A un moment,
vos téléphones
bornent au même endroit.
Le vôtre appelle M. Arefa
ici présent dans le box des accusés.
– P’têt c’est Bolil
il appelle Arefa
avec mon téléphone.
J’sais pas.
– Vous prêtez souvent votre téléphone ?
– Non. P’t’êt’ il avait plus de forfait, je sais pas.
Ça fait six ons.
– Il avait du forfait : il a passé
d’autres appels
au même moment.
– Fronchemont je sais plus.
– Vous vous rendez compte
qu’on juge des faits graves ? »
Parfois il se penche en avant
d’ennui
parfois en arrière
toisant.
Si l’on doit trouver
quelque part
un peu de réconfort :
il cache mal
son agacement
d'être interrogé par une femme.
« Vous connaissiez les accusés ?
Regardez les bien.
Vous en avez vu moult photos. »
Moult n’est pas le mot
que j’aurais choisi
avec ce gars-là.
Attention que ce procès
ne ressemble pas trop
à un jugement inter classes.
« M. Arefa, ici présent,
que votre téléphone a appelé,
votre épouse le connaît très bien.
Mais pas vous ?
– Non.
– Vous ne l’avez jamais vu ?
– Jamais. »
Il est catégorique.
Sourire satisfait.
T’as vu, madame le Juge,
comment j'suis trop insolent ?
j’suis trop une grosse racaille
pour vous, là.
Sérieux ça m’fait rire,
comment je mens, là,
à la Cour d’Assises
comment je suis trop à l'aise
devant une magistrate
comment je me paye la tronche
de tout le monde.
comment je suis fier
d’afficher ma misère humaine
affective, intellectuelle.
« A la fin, ouais, Bolil il était maigre.
Je me suis djit :
c’est les problèmes avec sa femme.
– On vous voit avec lui
le 13 juillet au soir
au Port, rue Cassini,
vers 22 heures
devant le camion
calendre ouverte.
– eh ouais,
Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?
il a photographié plein de monde
avec le camion.
Pour nous faire plonger, tous.
Eh ouais. »
Il n’essaye pas de paraître innocent.
Non.
C'est mieux de sourire encore plus.
Le presque rire
du con
tellement fier de lui.
Devant qui ?
Devant rien.
Devant lui-même,
ça lui suffit,
au petit dealer looser.
Après, il ira prendre un café.
Raconter à ses amis
qui ne sont pas des amis
– ceux-là n’ont pas d’amis.
Il va user de ses cinquante mots.
La meuf là, la juge,
sa race
trop vénère mon frère.
– Mais il n’a pas plus de frères que d’amis
même en termes d’Islam.
Bah ouais j’y djis
fils de pute
ça fait six ons quoi
j’y djis
Elle en pouvait plus
sa mère
sa race
la pute
là
normal
Bah ouais.
Fils de pute;
Pour la tirade suivante :
juste changer l’ordre
des phrases.
Certes il n’est pas né francophone.
Sans doute possède-t-il
en arabe
le double de mots.
On en rirait
d'un gars comme ça
s'il ne participait pas
à l’alignement anti cosmique
de planètes vides
qui bientôt va précipiter
un camion de 19 tonnes
dans la foule insouciante.
Ce gars est de ceux
qui interpellent les femmes
à la sortie du tram Garibaldi.
« T’es jolie hein Mademoiselle
Sérieux t'es trop charmonte.
Tu t’appelles commont ?
– Lâche-moi.
– Ta mère la pute mocheté suce ma bite. »
Ce sont eux aussi
qui, après les attentats,
filment
pillent les morts
et les mourants.
Il doit s’en vanter encore.
Ils sont en liberté
dans toute la ville.
Heureusement
la ville n’est pas au courant.
Elle ne l’apprendra pas
dans cette chronique
qu’elle ne lit pas.
86 morts
plus de 450 blessés physiques
des milliers de traumatisés
qui ne s’en remettront pas.
Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?
Cette chronique n'est pas dédiée
à l'extrême-droite.
Extrême-droite
avant de te jeter dessus
fidèle à ton tempérament de feu
tu dois savoir
que je ne suis pas de droite
et surtout
tu devrais lire
toutes mes autres chroniques
avant de décider
de partager.
Sache par ailleurs
que J’ai observé les mêmes
tragiques spectacles
de vacuité
à des niveaux socio-culturels
bien plus élevés
avec vocabulaire et argent
et nationalité française
depuis plusieurs générations.
C’était drôle …a pleurer de rage