Diptyque de flics
Diptyque d’hommes.
(Ou même triptyque ?
– le portrait du milieu :
tout noir.)
L’homme du panneau gauche
est venu avant.
Il a huit ans de maturité.
Celui de droite
est arrivé après.
Il a 247 ans
d’expérience policière.
Flic de droite.
Près du poids lourd
arrêté sur des corps
stoppé
comme sur une voie de détresse.
Avancer vers les portes
de la remorque.
Elles vont s’ouvrir
et ILS vont sortir.
ILS ?
Les gars du commando
avec leurs fusils d’assaut.
Patrouille Falco 2,
police Municipale
L’agent D.
est un ancien para.
Il vient d’arriver,
stagiaire,
c’est son quatrième jour de service.
(en 2022, il est titulaire.)
Un peu plus tôt
son supérieur
à la barre
parlait de corps
transportés par leurs soins
en voiture vers Lenval
l'hôpital.
Peur peur peur
que ce soit lui
le policier D.
qui ait transporté
la Señorita Amie.
Putain de putain
ça va être lui
j’en suis sûr.
Au pied du camion
dont ILS ne sont jamais sortis
l’agent D. maîtrise un homme.
Au sol.
En plus de tireur d’élite dans l’armée
il est moniteur de techniques
d’autodéfense.
C’est qu’on ne rigole pas
avec le recrutement,
à la Police Municipale.
L’agent D. ignore tout
de ce qui se passe.
Mais il a envie de vomir.
Il pleure à la barre
nous racontant
le sang sur ses vêtements.
Il décrit son avancée
sur la Prom
d’est en ouest.
Et putain
il va arriver aux Jardins du Capitole
raconter comment il a chargé
une gamine U.A.
avec une seule chaussure
et sa mère
avec zéro.
Parfois il doit user de la force
pour faire reculer les gens.
Dans sa poche
soudain sonne
un téléphone.
Celui du gars
tout à l’heure
maîtrisé au sol.
Les collègues ont procédé
à la palpation de sécurité
lui ont remis
les objets trouvés sur le suspect :
un petit couteau
ce téléphone.
Il décroche : une dame est inquiète.
Il la rassure.
Son récit
sa progression
ont dépassé
la zone Señorita.
Peut-être déjà évacuée ?
En tout cas
ce n’est pas lui
qui s’en est chargé.
Ouf.
Merde.
Au petit matin,
chez l’agent D. :
BFM et whisky.
L’uniforme ensanglanté :
à la poubelle.
On m’en a refusé un nouveau.
Non, vraiment,
on ne plaisante pas,
à la Police Municipale.
On veut du personnel
impliqué
appliqué.
Jamais il n’est monté en grade,
l’agent D.
Pas le moindre échelon.
Certains collègues
présents ou pas
ont eu la médaille de la ville.
Il a juste eu…
l’on ne sait plus quoi,
avec, à son nom,
une faute d’orthographe.
En 2019 il ne peut plus dormir
sans alcool.
Le psy qu’il voit
l’aiguille
sur un autre psy.
Traîtrise.
Lâcheté.
De psy : plus jamais.
Alcoolisme.
Divorce.
« Je comprends mon épouse.
Qui peut rester avec un homme
qui s’isole
et qui boit ? »
C’est pourquoi mes chères
– soit dit au passage –
je ne peux décemment
présenter mon cœur
comme à prendre.
Aujourd’hui il va mieux,
notre agent D. :
le sport.
Le contact avec nature.
La Cour d’Assises demande :
« C’était plus dur que chez les para ?
– C’était plus dur que tout. »
Notre second agent
est national.
Sa tête est rouge rosée.
Il a entendu Momo Sale-man :
convocation au commissariat
20 juin 2016.
Le drôle ne s’était pas présenté
à celle du 4 mai :
vacances.
Mais le 20 juin,
il est bien là.
Motif de la convocation :
Madame Bouhlel
a dénoncé des violences
quasi quotidiennes.
Dernière en date :
son mari l’arrosa de vin
lui pissa dessus
exigea le divorce
déféqua par-terre dans la chambre.
Ce n’est pas cette fois-là
qu’il tenta de l’avorter avec le bâton
ou qu’il poignarda
le nounours de son enfant.
Ces faits-là
étaient connus
depuis bien plus longtemps.
« Pourquoi vous ne le placez pas
en garde à vue ? »
demande le président Raviot.
Haussement d’épaules.
S’il fallait dessiner le mot
penaud
il faudrait reproduire
cette tête de policier.
Ses bras sont croisés
si fort sur son ventre
qu’il serait plus exact de dire
qu’il s’en est fait une camisole.
Sa bouche forme
un parfait demi-cercle
plus géométrique
que celle de l’émoticon
le plus déconfit.
Aujourd’hui on met systématiquement
en garde à vue
pour les violences conjugales.
À l’époque non.
C’était le bon temps.
« Pourquoi vous ne le placez pas en garde à vue ?
– reprend le grand Président –
alors qu’on a déjà des signalements
depuis 2011,
et une procédure depuis mars 2016
pour violences sur la voie publique ? »
(Agression à la planche cloutée
pour histoire de stationnement –
notre Momo peut-être
admirait
Negan de The Walking Dead
et sa chère Lucille.)
Haussement d’épaules.
« Pourquoi seulement 22 minutes
d’audition ? »
Il a huit ans d’âge mental,
l’agent C.
On l'a pris
les doigts
dans le pot à confiture.
Il veut juste
la permission
de retourner jouer avec les autres.
« Pour moi, tonne Raviot,
c’est une audition bâclée ! Pourquoi ?
– Je n’ai aucune réponse à vous donner.
– Savez-vous que lors d’une garde à vue,
on fait subir un examen médical ? »
Acquiescement.
« Et là, peut-être, explique Raviot
un instant pédagogue,
le médecin peut détecter un problème
psychiatrique.
Y avez-vous pensé ?
– Je n’ai pas d’explication à vous donner. »
« Vous avez mis son épouse en danger », dit Raviot.
Et l’on aurait pu éviter l’attentat.
« Vous lui avez montré les photos des excréments ?
– Oui.
– Et alors ?
– Il a dit qu’il ne s’en souvenait pas
mais qu’il reconnaissait le carrelage. »
L’agent C. conclut
dans son rapport
qu’il faut procéder
à une confrontation.
La parole de la femme
contre celle du mari.
Heureusement qu’il existe,
ce rapport,
car notre agent C.
ne se souvient plus du tout
de cette audition !
Pas le moindre souvenir.
Il n’a donc pas le moindre élément
à apporter au débat
concernant la personnalité
de Sale-man Bouhlel Lahouaiej Mohamed.
Mais ce qui est certain,
assure-t-il,
c’est qu’il n’a eu aucun soupçon particulier.
Sinon
pensez-bien
qu’en deux deux
il nous l’aurait balancé
en garde à vue
le Momo.
« C’est un RATÉ, vous comprenez ?
tonne à nouveau
Raviot.
– Oui. »
La bouche tremble
Les yeux vont pleurer.
« Était-ce banal
ce genre de choses
à cette époque,
à Nice,
uriner sur sa femme,
déféquer par terre
dans la chambre ?
– Je ne sais pas.
– Combien d’autres fois dans votre carrière ?
– Jamais.
– Pas d’autre question, Monsieur le Président. »
« Pourquoi n’est-ce pas votre collègue
en charge de ce dossier
qui l’a entendu ?
– On m’a demandé de l’entendre moi-même.
– Vous avez lu le dossier avant ?
– Je n’ai pas eu le temps. »
« Avez-vous fait l’objet
d’une procédure disciplinaire ?
– Oui.
– Pourquoi ? »
Ça le gêne de répondre.
C’est personnel.
« Répondez !
– J’ai déchiré un PV. »
Deux semaines de mise à pied,
dont une avec sursis.
"Êtes-vous à la retraite Monsieur ?
– Bientôt.
– C'est une excellente chose."
« Votre hiérarchie est-elle déjà venue
vous parler du 14 juillet 2016 ?
– Non. »
Je vais vous dire.
L’agent C. a toisé
Momo.
Sa femme.
Leurs histoires.
Qu’en a-t-il à foutre
qu’un gars pisse
chie
sur sa femme ?
C’est gentillet.
Lui
il arrête de dangereux bandits,
il n'est pas infirmière
pour thérapies de couple.
Ha ha ha, rigola-t-il sans doute,
avec ses collègues
Momo parti.
Le gars pisse et chie sur sa femme.
On aura tout vu !
Ils la réparent quand,
cette machine à café ?
Dernier détail :
pour son audition
devant la Cour d’Assises,
par respect pour les victimes,
les familles,
la dignité de son Institution,
l’agent C. avait choisi,
pour vêtement,
un maillot de football bleu vif.
🤮
Donc l’attentat c’est sa faute ? Un peu simpliste comme raccourci ! La mairie de Nice, son premier adjoint à la sécurité de l’epoque ? Ils sont tout fait pour protéger la foule, empêcher un attentat ? Facile de se défouler sur ce policier qui a du auditionner un abruti pour un différend conjugal … vous imaginez les affaires qu’ils traitent tous les jours à l’Ariane ?
Affligeant...Consternant....
Incroyable, sidérant….
merci de nous raconter cela. Que cet homme n’ait pas été arrêté avant, avant qu’il commette l’irréparable, malgré tous les signaux de sa folie dangereuse, est une honte indélébile.
Nous en apprenons tant, alors qu'avant c'était si simple avec tout plein de bons et un méchant