Roselyne Bachelot
(un nom bien inattendu
dans cette chronique)
un jour me mit à l'oreille
ce grand mot :
schadenfreude.
Il faut se garder
de la schadenfreude,
la joie malsaine,
de voir,
par exemple,
la France,
attaquée par un virus,
prise de court
de masques et de vaccins.
Cette France même
qui se paya votre tête
quand naguère vous prîtes
d’importantes dispositions
face à un virus H1N1
qui hélas
ne confirma pas l’espoir
que l’épidémiologie
avait placé en lui.
Schadenfreude,
joie malsaine,
est mal.
Tel notable
qui fit mine d’aider ma famille
et ne reparut plus
après juillet 2016,
amputé de la jambe ?
HA HA HA HA !
Schadenfreude.
De la schadenfreude
Señorita
sauve mon âme.
Klaxon, fureur,
injonction sur la voie publique :
« Vous dégagez votre voiture,
tout de suite !
– Oui, bien sûr, Madame,
une petite seconde,
je fais juste embarquer
deux grands-mères
pour les emmener voir
au reposoir
leur petite fille de douze ans
tuée dans l’attentat.
Je vous présente
toutes nos excuses
pour le désagrément. »
Schadenfreude.
Un gars aux cheveux longs
attablé devant une bière
(les plus sages,
les plus intelligents :
ceux-là ont vu du pays.)
Il m’explique la vie,
la paternité, surtout.
Comment sa fille
est devenue
aussi cool que lui.
Il suffit d’écouter, man.
Rester aware.
En revanche, àmoi,
il ne propose
aucune écoute.
Quel plaisir
de lui fermer son caquet
en lui donnant de tes nouvelles,
Señorita.
Schadenfreude.
Tel journaliste :
je me suis cramponné
à son bas de pantalon
je refusais de lâcher
il m’a traîné accroché
sur le marbre du palais.
"Regarde ! Regarde !
implorais-je,
c’est juste pour toi
que je porte aujourd’hui
mon collier vert.
Écoute-moi s‘il-te-plaît !"
L'un des meilleurs
en termes
d'audience de qualité.
Quelle tristesse chez ses fans
de mon entourage
quand je leur racontai.
"Qui c’est celui-là ?"
me balaya-t-il du regard
depuis la tête jusqu’aux pieds
et à nouveau la tête.
"Allons ! Master the King !
dit-il à mon avocate (GG),
es-tu bien sérieuse
de me présenter ce genre de type
stupide et larmoyant
qui m’interpelle
sur je ne sais quelle histoire
douteuse
et peu engageante
de prélèvements d’organes ?
Qu’aurais-je donc à faire
de surcroît,
d’un psychotraumatisé de Province,
Niçois en plus ?
mdr.
Exagération :
je ne m’accrochai pas
à son pantalon.
Désormais,
si ce que j’ai à faire savoir
ou à déclarer
n’intéresse pas :
NEXT.
Parole de Señorita.
Pas mendier,
papa,
pas supplier.
Mais nexter.
Finalement la presse s’empara
des prélèvements abusifs.
Il n’y eut pas de scandale.
L’affaire eut très peu d’écho.
Quelques jours et stop.
Elle avait donc raison
de bouder le sujet.
Tout comme les producteurs de cinéma
éditeurs de livres
savent
quels sujets
de quels attentats
par quels auteurs
feront de l’audience
ou non.
Griefs maintes fois rapportés ici
obsessionnellement,
reconnaissons-le.
(Le narcissisime de la victime
est aussi clébard que celui de l'auteur
mais l'on peut davantage
s'y abandonner
car le public lui voue
davantage d'affection.)
Quel rapport avec
schadenfreude ?
Venons-y.
La presse nationale
plébiscita deux fois
le procès de l'attentat
du 14 juillet 2016 :
le jour où témoigna
François Hollande
(starpower)
et,
surtout,
le jour de la
projection des images.
Bancs presse : pleins à craquer.
(Parties civiles également :
bien plus nombreuses qu'à l'accoutumée.
Mais démarche
toute différente.)
Après la projection :
ces messieurs-dames des médias
ont le visage blanc.
Les masques d'importance
ont chu.
Chacun n'est plus que lui-même.
Ils pleurent.
Certains, peut-être,
sont allés vomir.
Dévastation.
Je les regarde :
Ha ha
schadenfreude !
Cadeau de ma Señorita,
les amis !
"Oh non mon Papounet
là où je suis,
on ne fait pas ces cadeaux-là.
De cette schadenfreude
Je te laisse l'entière
paternité."
Ne nous y trompons pas :
la joie de Super-sale-man
au volant de son grand
joujou de mort
si jouissive fût-elle
n’était pas schadenfreude.
Elle était joie pure et sincère
fière et sans honte.
« Ha ha ha ! Maintenant vous avez vu
de quoi nous sommes capables ! »
ricana paraît-il
un jeune Musulman
auprès de victimes,
quelques secondes après le crime.
On se souvient aussi
de ceux qui volèrent,
filmèrent.
À l’un de ceux qui filmaient,
quelques endeuillés déchaussés
musulmans eux aussi
intimèrent :
« Arrête de filmer ! »
Il répondit :
« C’est pour envoyer aux frères
qui sont en prison. »
C'est ainsi que,
quelques minutes à peine
après la charge terrible
advint sur la Prom’
le premier acte de violence
post attentat.
Le jeune solidaire à la cause
fut projeté depuis très haut
jusque dans les galets.
Schadenfreude,
lecteur,
n'est-il pas ?
Entre la violence
et le réjouissement :
un rideau de soie.
Gare gare gare
gare à schadenfreude.
j‘aime schalenfreude
Ouf!