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Photo du rédacteurThierry Vimal

COUP DE PIED AUX FESSES

Dernière mise à jour : 27 nov. 2022


Donc,

si,

en tant que victime,

dire publiquement

que dans sa stratégie de survie

l'on recourt au coup de pied aux fesses

et qu’on recommande cette méthode

c’est aller trop loin…


on a un problème,

Houston,

un gros problème.


Vendredi 21 octobre

l’île de la Cité vacilla

sur ses flotteurs.

La belle union des victimes

connut de fortes

turbulences.

Ne vous étonnez pas

qu’elles aient émané

de l’implacable fracture

psychos – endeus.

Ainsi est-il

depuis six ans

et pour les siècles des siècles.


Ne détache pas ta ceinture, lecteur –

l’on va rester en turbulence,

être frappé de foudres :

prise de position.


Ainsi donc,

ces mots

coups de pied aux fesses

outragèrent les assistances

de Nice Acropolis et de Paris Palais ?

On cria à l’humiliation.

L’on vit des évanouissements

Les pompiers intervinrent.

On était à deux doigts

de casser les fauteuils.


Aussitôt je consultai mes agents

infiltrés

dans chaque salle de retransmission.

Il me fut rapporté que l’on exagéra

fortement

la description des réactions du public.


Il s’agissait surtout

m'apprit-on

de tel groupe

rival de l’association

au pied agresseur de séants.

Je n’en parlerai pas davantage.

Trop risqué.

Ceux-là m’ont fait peur.

Leurs yeux sont obscurs,

même chez les jeunes.

Leur enseigne-t-on la haine ?

Leurs regards veulent intimider.

Ils veulent nous tuer.

Révolution des psychos.

« Les endeu ont le pouvoir

et nous oppriment

depuis trop longtemps.

Déballez les guillotines !

Qu’ils rejoignent les leurs !

Mais que peut-on opposer

à un endeuillé

pour convaincre le chaland politique

et séduire l’opinion publique ?

Mais oui, bien sûr, les… »

CHUT !

Fin d’aparté.


Nous assistâmes donc

semble-t-il

à l’événement

le plus scandaleux

depuis le début des audiences.

Cela partit d’une question

posée par le président Raviot

au frère de l’auteur du Lambeau.


Comment est-il possible

de sortir de la communauté de victimes

pour retrouver le chemin

de la société humaine ?


Sitôt à la barre

Madame Murris

mère de feue Camille

et de nombreux projets associatifs

donna son avis.

La société ne s’adaptera pas aux victimes

donc, de facto,

ce ne peut être que le contraire.

Si vous attendez qu'elle le fasse,

ma foi,

attendez.

Difficile en revanche

de vous accompagner,

surtout avec six années

d’associatif

dans les pattes.

De ce constat

naquit

la tirade du coup de pied aux fesses

d'Anne Murris

qui marquera les archives

du procès de l’attentat du 14 juillet 2016.


14 juillet 2016

un garçon d’onze ans

près du stand à bonbons

fut projeté au loin.

Deux mois de fauteuil roulant.

Il ne sera jamais footballer

mais ses jambes ont recouvré

leur autonomie.

Sa mémoire flanche.

Il veut intégrer les forces spéciales

de l’armée de terre :

mettre son vécu

au service de la France.


Il a 17 ans à la barre

et selon lui

pour oublier

il ne faut jamais en parler.

Quel mouvement d’indignation

vais-je déclencher

si j’écris à ce jeune homme

que de se taire

est la pire idée qui soit ?

Veux-tu donc entretenir la peur

ne jamais apprivoiser

ne jamais aménager

de compromis

avec ton fantôme ?

Il finira de te détruire

non pas peut-être

mais assurément.


« Vous voyez un psy ?

– Non.

– Vous pensez que ça pourrait aider ?

– Peut-être.

– Vous attendez quoi de ce procès ?

– Bah. Il est mort. »


Son grand frère a sauvé une enfant handicapée

en la lançant sur la plage.

Il a écrit une lettre

dont il nous est donné lecture.

Il raconte ceux qui rigolent.

Qui volent les mourants.

Son frère, au sol,

subit un mouvement de foule.

Ces sauvages ont piétiné mon frère.


Ces sauvages ?

Qui sont ces sauvages ? expliquez-moi.

Qui peuvent bien être

ces sauvages

qui coururent sans regarder

où ils posaient leurs pieds ?

Personne ne bronche, dans la salle ?


La maman,

agoraphobie, pharmacopée,

a pris 30 kilos

autant que ce gars qui fait une chronique.

Elle est au palais, à Paris

tout comme ledit gars, et Mme Murris,

et notre Célia

et bien d’autres encore.

Elle ne supporte pas la notion

de coup de pied aux fesses.

L’idée lui fait pousser des cris étranges,

qui nous le disent :

c’est la pire chose

qu’elle pouvait entendre ici.


Un médecin légiste

un président

un ministre

un maire

nous offensèrent

(et bientôt, sans doute,

des présumés innocents).

Mais qu’une victime ose dire que,

peut-être,

une autre victime

devrait se mettre

un coup de pied aux fesses,

NON !


Cela est si grave, si indigne,

cela ne passe pas crème du tout

cela passe moutarde à l'ancienne

cela mérite une crise de nerfs

publique

en pleine salle d’audience.

Sortir ? Surtout pas.

Sinon à quoi bon ?


Nous sortîmes,

tous,

quand nos sanglots

parfois nos fous-rires

devenant sonores

pouvaient troubler la bonne marche de l’audience.

On nous a aménagé

gentiment

une salle

exprès pour pleurer.

On peut aussi y consulter

un psychologue à collier bleu.


Criâmes-nous,

lorsque pendant six heures

le responsable de la sécurité

nous dit avoir exécuté sa mission

impeccablement

et souffert en silence

plus que les autres

– car blessé dans sa chair de fils

et d’élu

du peuple martyr ?

Et qu'il se glorifia

d'un coup de fil papal

alors qu'il s'agissait

d'un appel entrant ?

Il ajouta que l’horreur,

presque,

était de notre faute à nous :

si le citoyen était plus délateur

il aurait vu et signalé

les repérages !


Avons-nous manifesté

quand ceux qui gagnent

1270 euros par partie civile

et plus de 250 euros

par partie civile et par jour d'audience

(dégressif, reconnaissons)

ont soufflé, soupiré et quitté la salle

parce qu’une dame

endeuillée

bénévole depuis six ans

à qui il coûte de l’argent

de venir témoigner à Paris

est trop longue dans son propos ?

(Certes, Anne, vraiment, c’était trop long.)

Cet acte nous rappela que nous ne sommes

que matière.

Il fut si dur

qu’il fit pleurer notre Célia

(à qui, certes, cela manquait :

elle n’avait pas versé une larme

depuis la veille au soir.)


Célia quitta la salle

décemment

pour piquer son scandale

décemment

dans le hall.

Elle s’en prit même aux gendarmes

sacrée Célia.


Oui, tous, plusieurs fois,

nous faillîmes hurler,

insulter l’immonde à la barre.

Pour ne pas le faire

nous nous mîmes :

un coup de pied au cul.


Que ceux qui n’y parviennent pas

se sentent aimés et accueillis

dans l’entièreté de leur souffrance

mais qu’ils aillent

manifester dehors

le temps que ça passe.


Que fait donc la police d’audience ?


Tous nous avons sombré,

un jour,

et ceux qui en même temps

guerroyaient, résistaient

nous étaient presque une insulte,

une agression.

Et souvent,

ils partageaient notre foyer.


Anne Murris prononça

un peu du discours de courage

qu’elle s'appliqua un jour à elle-même

du fond de sa décrépitude

morale et sanitaire.

Un discours aussi

d’intelligence et de solidarité:

elle demanda un statut spécial

de pathologie de victime du terrorisme

qui serait bon pour nous tous

outragés inclus.


Elle fut maladroite certes.

Dieu que ce terrain est miné, miné,

mais où va donc cette chronique ?

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4 Comments


Guest
Oct 27, 2022

https://charliehebdo.fr/2022/10/societe/justice/des-bienfaits-du-coup-de-pied-au-cul/?fbclid=IwAR0SLh9scVhN9Qaa44_L07GNSM-kFZ05PEWLacL0EMqrfrYjRDvxb8Ecxd4

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Guest
Oct 24, 2022

Magistrale chronique 💖

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Robert Wilson
Robert Wilson
Oct 24, 2022

You're a genius. Je te hais. C'est vraiment grandiose, l'ampleur de ce que t'écris.

Chapeau bas.

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Jean-Marc Bernard
Jean-Marc Bernard
Oct 24, 2022

Cette chronique va peut-être simplement dans le bon sens.

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