Aujourd’hui
en deux épisodes
l’histoire belle
jubilatoire
d’un snob
bien niqué par un cafard.
Wo putain,
comme il s’est fait niquer
l’Al Capone
de la rue Marceau
auto-surnommé
Ramzi-le-Cash.
Tellement niqué
qu’il doit en convenir lui-même
penaud
à la barre.
(Désir absolu
de transparence
devant la Justice.)
Bémol:
Ramzi a la même voix
que Vincent Cassel
– pas de bol :
on pense à Mesrine.
À présent,
parlons de notre tueur,
notre coupable solitaire :
Lahouaiej Bouhlel Mohamed.
Idée déjà émise dans cette chronique :
la relation humaine
à ses yeux
fonctionne sur une seule modalité,
Qui baise qui ?
Tel est baisé qui croyait baiser.
Baisera bien qui baisera le dernier.
En mai 2016
Momo veut acheter de la cocaïne
et une arme.
On l’aiguille
vers Ramzi-le-Cash
baron de la rue Marceau
28 ans
ci-présent
dans le box des accusés
debout
interrogé.
Ramzi :
taxiphone
coiffure
épicerie
cannabis
cocaïne
faux papiers
location de voitures.
Le grand frère
a purgé une peine
pour trafic international de voiture.
Quand il s’agit de glorifier son nom
Ramzi-le-Cash
peut nous dégainer un mot
de cinq syllabes.
Il ne manque à la fratrie
que quelques laveries
et des car-wash au Nouveau-Mexique.
Comme aux Champs-Élysées
il y a tout ce que nous voulons
dans la rue Marceau
dira en visio
une représentante
de la dream team à maillot bleu
(épouse d’un autre maillot-bleu
et collectionneuse d’armes factices).
Des activités commerciales,
en tout cas.
Rien d’extrémiste !
Les armes,
Ramzi ne fait pas trop.
Bon, il va voir.
La demande ne l’étonne pas :
il connaît plein de cokés
– ainsi les nomme-t-il –
qui veulent des armes
factices ou vraies.
Ils se défoncent
puis jouent les caïds
devant leurs amis.
Astérix dans "La Haine" de Kassovitz.
Notre futur tueur de masse
insiste.
Comme il n’est pas
le client du siècle :
"Tiens ! se dit Ramzi,
et pourquoi ne pas
l’escroquer ?
Oh oui alors !
Comme je vais te me l’arnaquer !
En plus il a l’air tout craintif,
cible facile !"
On a ce flair,
chez les Arefa.
999 fois sur 1000
on écrabouille le faible
– nous nous comprenons
M. le Président
entre puissants.
Mais la millième fois,
c’est Mohamed Lahouaiej Bouhlel.
La femme en bleu est amnésique :
« A qui ai-je voulu vendre mon arme factice
M. le Président ?
C’est bien la question que je me pose !
Normalement ça devrait être Bihlel.
Mais peut-être Ramzi.
En tout cas pas un autre.
Vous savez,
il y a beaucoup de mauvaises fréquentations
dans ce milieu de la drogue
donc j’ai préféré vendre mon arme
à quelqu’un de confiance. »
On tente la vente d’une arme factice
à Momo le tueur de la Prom.
Arh !
Immédiatement
il voit la supercherie.
Il se fâche.
Ramzi présente ses excuses
de bonne foi.
Il était sûr qu’il s’agissait d’une vraie.
« Comment ? s’insurge-t-il
Moi, te prendre pour un pigeon ?
T'inquiète,
je vais t’en trouver une autre ».
Ramzi cherche
une véritable arme.
C'est ainsi qu'il arrive
au grand méchant Giovanni.
Hou, qu’il est grand,
méchant,
dangereux.
(Henaj Artan, dit Giovanni,
ci-présent également
dans le box des accusés.)
D’une pierre deux coups,
Ramzi-le-Cash conclut en passant
un bel accord :
Giovanni sera désormais
son grossiste.
Et Giovanni fournit à Ramzi
qui fournit ensuite à Bouhlel
l’arme
qui servira pendant l'attentat :
un pistolet de police
des années 1970.
Valeur estimée sur le market :
entre 400 et 600.
Ramzi la vend à Momo
1400 euros
pour le compte de notre Giovanni
et sans prendre de commission
– on veut se faire bien voir.
Finalement,
Ramzi l’aura tout de même arnaqué
son Bouhlel,
et montré son talent
à son nouveau supérieur hiérarchique.
« Jamais ! » protesterait-il.
« Je n’ai aucun supérieur ! »
et nous verrions ainsi mieux
Ramzi-le-Cash.
Notre Ramzi
ravi d’en avoir terminé
avec cette fastidieuse transaction,
et pour une fois en liberté
en même temps que ses deux frères,
(dont l’un fête son anniversaire)
s’en va déjeuner avec eux
chinois
les pieds dans l’eau
à Cap 3000.
(Juste avant,
petite course :
Ramzi va récupérer
chez Giovanni
une Kalach
pour la lui garder le temps d’un voyage
et pourquoi pas même
la vendre.
Ramzi est impressionné :
c’est la première qu’il en voit une en vrai.
Rendez-vous compte,
Président !
C’est un peu comme si
un mec de son quartier
se pointait avec
le dernier KTM
ou une Lamborghini !
Ramzi planque la Kalach dans sa cave.
La vendre, oui, possible,
à des cokés cramés riches
déglingués
qui se la racontent.
Il voyait bien ce profil-là
d’acheteur
comme cœur de cible
et sinon bien sûr
le monde du Stup.
Délinquance en tout cas.
Jamais terrorisme.
Dans les quartiers,
avec les rappeurs,
tout ça,
la Kalach est glorifiée.
Il ne la montrera jamais à ses amis :
trop peur de perdre la face
tellement l'arme est rouillée
inutilisable.
En route pour Cap 3000.
Après les nems :
location de voiture
pour la virée fraternelle.
Il ne nous est pas dit
quel modèle ils choisissent
je penche pour une Zoé
électrique
climatisée.
Nous sommes le 13 juillet
2016.
Ma señorita
que faisait-elle ?
En tout cas
moi
dit mon agenda
je suis allé chez le coiffeur.
Le 14, notre fratrie,
toujours en goguette
embarque des filles
dans la voiture de location :
Prom, plage,
champagne !
Le soir, Quai des État-Unis
tous devant le feu d’artifice
mais juste après :
panique !
Un attentat !
Vite, nos amis
rentrent à la maison.
Le lendemain :
plage privée à Juan-les-Pins.
« Une journée tout à fait normale. »
dit à la barre
le frère de Ramzi-le-Cash.
Il répète :
« une journée tout à fait normale. »
« Et mon frère d’ailleurs aussi,
insiste le cadet de la fratrie
dans sa superbe défense,
mon petit frère,
ce jour-là,
était
tout à fait normal ».
Les seuls à l'être.
Car, souvenons-nous,
même notre bon vieux Oualid Ghraieb
le 15 juillet 2016
au matin sur la Prom
n’était pas
tout à fait normal.
Presque,
mais pas tout à fait.
Nos Arefa, eux
le sont
radieusement.
Franchement.
(et au fait
précise Ramzi-le-Cash :
« la plage à Juan
ce jour-là
j’y étais pas tout seul :
y avait foule. »)
Laissons à présent
pour un moment
nos singuliers frères
profiter en toute insouciance
des joies de la plage.
Rétrospective.
Le petit Arefa Ramzi
avant de devenir le Cash
est mauvais élève.
Il s’arrête en quatrième.
« Un pauvre jeune de banlieue
décrit son frère à la barre
qui n’a pas eu le choix
et très vite
a préféré
le business au vol ».
Pas le mauvais mauvais gars, quoi.
Vendre des armes c’est pas très grave.
Leur père est parti.
Il verse peu de pension.
Il était chef d’entreprise
il a construit des routes
des stades des hôtels :
la Tunisie en plein boom.
Il va au ski
il achète des voitures.
Hélas, ensuite :
des problèmes.
Voici une famille
malchanceuse en affaires.
Avec sa mère
Ramzi vit d’un hôtel à l’autre.
Ses deux grands frères
sont souvent en prison.
À l’heure actuelle
ils tiennent des agences
de location de voitures.
L’un à Nice
où il vend aussi de la drogue
à ses heures perdues.
La petite sœur est
la française de la famille.
Pas d’éducation religieuse.
Il ne va pas à la mosquée :
les discours y sont trop bizarres.
Il n’a jamais entendu parler
des cinq piliers
ni de la charia.
À 14 ans il commence :
tabac cannabis
sorties délits.
La normalité pour gagner de l’argent,
c’est, dit-il,
la voie illégale.
Il trouve une formation
en boulangerie
dans le vieux Nice.
La patronne ne sera là
que l’après-midi.
Quand il repasse
elle dit non.
Alors,
plus jamais Ramzi n’a cherché
à travailler.
Non mais alors !
Sa mère
oblige son père
à l’embaucher dans le bâtiment
ça lui déplaît :
il peut
gagner autant en trente secondes.
Ma seule passion c’est l’argent.
500 euros par jour
Je suis ambitieux, réfléchi.
Aucune expérience professionnelle en rien.
Il ne trafique pas que du cannabis
ou de la cocaïne
mais des cartes vertes vierges
des assurances taxiphones
Il achète de l’or
dont il connaît le cours
il sait le prix d’une arme
d’une montre
d’une moto volée
d’une voiture neuve.
Parfois même,
il commet des actes légaux.
Il déniche et retape
un scooter
une moto
pour faire des sous.
Je ne mets plus mes véhicules en vente
sur Leboncoin :
embrouille garantie.
Ces récupérateurs fouillent là-dedans
comme dans un tas d’ordures
pour acheter au quart du prix.
Ma vieille Suzuki n’est pas une ordure.
Elle est toujours à vendre.
Écrivez-moi.
Surtout pas de femme pour Ramzi-le-Cash,
après qu’une l’a trompé
avec son meilleur ami.
Ramzi est du genre à faire des chichis,
a déclaré sa mère
aux enquêteurs.
Elle le trouve
trop sensible.
Revenons à la plage
où nos trois frères
sont si bien.
Tellement bien,
que tiens
ils n’ont même pas suivi l’actualité
de l’attentat auquel
ils ont échappé hier soir.
Le nombre de mort,
l’identité de l’auteur,
tout ça :
pas intéressant.
Ce ne sont pas quelques dizaines de morts
qui vont troubler nos gros durs
et leurs réjouissances
familiales.
Seul ombre au tableau
pour Ramzi-le-Cash :
ce SMS étrange
qu’il découvre sur la plage
mais a reçu hier soir
avant 22h30 bien sûr.
(Quand il est off
Ramzi ne consulte pas
sa ligne à drogués).
Le texto est de notre Momo :
« Salam Ramzy, je suis passé tout à l'heure au taxiphone 16 rue Marceau je t'ai pas trouvé Je voulais te dire que le pistolet que tu m'as donné hier c'est très bien, alors on ramène 5 de chez ton copain 7 rue Miollis, 5è étage c'est pour Choukri et ses amis"
"Ils sont prêts pour le mois prochain".
Hou qu’il est mécontent, Ramzi !
Ce tox de Bouhlel
est fou à lier
ou quoi ?
On ne fait jamais ça !
On n’écrit jamais ces mots,
dans les usages
du business !
Il veut le mouiller,
ou quoi ?
Son nom !
L’adresse du taxiphone !
Et surtout
surtout,
ce con met aussi
l’adresse rue Miollis
de l’Albanais
Giovanni
connu par toute la pègre
comme le plus puissant
le plus méchant
le plus armé.
Non mais quel malade !
Putain de cokés !
Si Giovanni sait ça,
fin du business
et puis va savoir quoi d’autre
avec ces psychopathes d’Albanais.
Guerre civile Marceau Miollis ?
Amis niçois, évitez Malausséna !
(Et puis c'est qui ce Chokri ?)
" Dans ce genre de situation,
Monsieur le Président
on se débarrasse du téléphone
ou bien
on rattrape le truc."
Rattraper le truc
doit signifier
péter la gueule de l’imprudent.
Pour un expéditeur dangereux,
Ramzi aurait jeté le téléphone.
Mais pour un de ces putains
de cramés de drogués,
– il en a tant dans son entourage –,
pour un Bouhlel,
il va choisir
de rattraper.
Bouhlel ne perd rien pour attendre.
Ramzi-le-Cash n’a pas peur de lui.
Jamais.
A aucun moment.
Pour l’heure
Ramzi-le-Cash brouille les pistes :
il répond à Bouhlel
quelque chose comme :
« C’est qui ? Que voulez vous ?
tu te trompes de num. »
Puis il claque des doigts
en l’air
pour commander une nouvelle
bouteille de champagne. »
Keep cool.
Pas le feu au lac.
Il règlera tout ça demain.
Mais le lendemain
16 juillet
quelle n’est pas la surprise
de notre accusé
lorsque chez lui
à six heures du matin
il est interpelé
par le Raid !
[à suivre...]
Depuis les dernières auditions on est dans un monde parallèle... C'est le festival du foutage de gueules !