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QUI BAISE QUI ? [1/2]

Photo du rédacteur: Thierry VimalThierry Vimal

Dernière mise à jour : 17 nov. 2022


Aujourd’hui

en deux épisodes

l’histoire belle

jubilatoire

d’un snob

bien niqué par un cafard.


Wo putain,

comme il s’est fait niquer

l’Al Capone

de la rue Marceau

auto-surnommé

Ramzi-le-Cash.


Tellement niqué

qu’il doit en convenir lui-même

penaud

à la barre.

(Désir absolu

de transparence

devant la Justice.)

Bémol:

Ramzi a la même voix

que Vincent Cassel

– pas de bol :

on pense à Mesrine.


À présent,

parlons de notre tueur,

notre coupable solitaire :

Lahouaiej Bouhlel Mohamed.

Idée déjà émise dans cette chronique :

la relation humaine

à ses yeux

fonctionne sur une seule modalité,

Qui baise qui ?

Tel est baisé qui croyait baiser.

Baisera bien qui baisera le dernier.


En mai 2016

Momo veut acheter de la cocaïne

et une arme.

On l’aiguille

vers Ramzi-le-Cash

baron de la rue Marceau

28 ans

ci-présent

dans le box des accusés

debout

interrogé.

Ramzi :

taxiphone

coiffure

épicerie

cannabis

cocaïne

faux papiers

location de voitures.

Le grand frère

a purgé une peine

pour trafic international de voiture.

Quand il s’agit de glorifier son nom

Ramzi-le-Cash

peut nous dégainer un mot

de cinq syllabes.

Il ne manque à la fratrie

que quelques laveries

et des car-wash au Nouveau-Mexique.


Comme aux Champs-Élysées

il y a tout ce que nous voulons

dans la rue Marceau

dira en visio

une représentante

de la dream team à maillot bleu

(épouse d’un autre maillot-bleu

et collectionneuse d’armes factices).


Des activités commerciales,

en tout cas.

Rien d’extrémiste !


Les armes,

Ramzi ne fait pas trop.

Bon, il va voir.

La demande ne l’étonne pas :

il connaît plein de cokés

– ainsi les nomme-t-il –

qui veulent des armes

factices ou vraies.

Ils se défoncent

puis jouent les caïds

devant leurs amis.

Astérix dans "La Haine" de Kassovitz.


Notre futur tueur de masse

insiste.

Comme il n’est pas

le client du siècle :

"Tiens ! se dit Ramzi,

et pourquoi ne pas

l’escroquer ?

Oh oui alors !

Comme je vais te me l’arnaquer !

En plus il a l’air tout craintif,

cible facile !"

On a ce flair,

chez les Arefa.

999 fois sur 1000

on écrabouille le faible

– nous nous comprenons

M. le Président

entre puissants.

Mais la millième fois,

c’est Mohamed Lahouaiej Bouhlel.


La femme en bleu est amnésique :

« A qui ai-je voulu vendre mon arme factice

M. le Président ?

C’est bien la question que je me pose !

Normalement ça devrait être Bihlel.

Mais peut-être Ramzi.

En tout cas pas un autre.

Vous savez,

il y a beaucoup de mauvaises fréquentations

dans ce milieu de la drogue

donc j’ai préféré vendre mon arme

à quelqu’un de confiance. »


On tente la vente d’une arme factice

à Momo le tueur de la Prom.

Arh !

Immédiatement

il voit la supercherie.

Il se fâche.

Ramzi présente ses excuses

de bonne foi.

Il était sûr qu’il s’agissait d’une vraie.

« Comment ? s’insurge-t-il

Moi, te prendre pour un pigeon ?

T'inquiète,

je vais t’en trouver une autre ».


Ramzi cherche

une véritable arme.

C'est ainsi qu'il arrive

au grand méchant Giovanni.

Hou, qu’il est grand,

méchant,

dangereux.

(Henaj Artan, dit Giovanni,

ci-présent également

dans le box des accusés.)


D’une pierre deux coups,

Ramzi-le-Cash conclut en passant

un bel accord :

Giovanni sera désormais

son grossiste.


Et Giovanni fournit à Ramzi

qui fournit ensuite à Bouhlel

l’arme

qui servira pendant l'attentat :

un pistolet de police

des années 1970.

Valeur estimée sur le market :

entre 400 et 600.

Ramzi la vend à Momo

1400 euros

pour le compte de notre Giovanni

et sans prendre de commission

– on veut se faire bien voir.

Finalement,

Ramzi l’aura tout de même arnaqué

son Bouhlel,

et montré son talent

à son nouveau supérieur hiérarchique.

« Jamais ! » protesterait-il.

« Je n’ai aucun supérieur ! »

et nous verrions ainsi mieux

Ramzi-le-Cash.


Notre Ramzi

ravi d’en avoir terminé

avec cette fastidieuse transaction,

et pour une fois en liberté

en même temps que ses deux frères,

(dont l’un fête son anniversaire)

s’en va déjeuner avec eux

chinois

les pieds dans l’eau

à Cap 3000.


(Juste avant,

petite course :

Ramzi va récupérer

chez Giovanni

une Kalach

pour la lui garder le temps d’un voyage

et pourquoi pas même

la vendre.

Ramzi est impressionné :

c’est la première qu’il en voit une en vrai.

Rendez-vous compte,

Président !

C’est un peu comme si

un mec de son quartier

se pointait avec

le dernier KTM

ou une Lamborghini !


Ramzi planque la Kalach dans sa cave.

La vendre, oui, possible,

à des cokés cramés riches

déglingués

qui se la racontent.

Il voyait bien ce profil-là

d’acheteur

comme cœur de cible

et sinon bien sûr

le monde du Stup.

Délinquance en tout cas.

Jamais terrorisme.

Dans les quartiers,

avec les rappeurs,

tout ça,

la Kalach est glorifiée.

Il ne la montrera jamais à ses amis :

trop peur de perdre la face

tellement l'arme est rouillée

inutilisable.


En route pour Cap 3000.

Après les nems :

location de voiture

pour la virée fraternelle.

Il ne nous est pas dit

quel modèle ils choisissent

je penche pour une Zoé

électrique

climatisée.


Nous sommes le 13 juillet

2016.

Ma señorita

que faisait-elle ?

En tout cas

moi

dit mon agenda

je suis allé chez le coiffeur.


Le 14, notre fratrie,

toujours en goguette

embarque des filles

dans la voiture de location :

Prom, plage,

champagne !


Le soir, Quai des État-Unis

tous devant le feu d’artifice

mais juste après :

panique !

Un attentat !


Vite, nos amis

rentrent à la maison.

Le lendemain :

plage privée à Juan-les-Pins.

« Une journée tout à fait normale. »

dit à la barre

le frère de Ramzi-le-Cash.

Il répète :

« une journée tout à fait normale. »

« Et mon frère d’ailleurs aussi,

insiste le cadet de la fratrie

dans sa superbe défense,

mon petit frère,

ce jour-là,

était

tout à fait normal ».


Les seuls à l'être.

Car, souvenons-nous,

même notre bon vieux Oualid Ghraieb

le 15 juillet 2016

au matin sur la Prom

n’était pas

tout à fait normal.

Presque,

mais pas tout à fait.


Nos Arefa, eux

le sont

radieusement.

Franchement.

(et au fait

précise Ramzi-le-Cash :

« la plage à Juan

ce jour-là

j’y étais pas tout seul :

y avait foule. »)


Laissons à présent

pour un moment

nos singuliers frères

profiter en toute insouciance

des joies de la plage.


Rétrospective.


Le petit Arefa Ramzi

avant de devenir le Cash

est mauvais élève.

Il s’arrête en quatrième.


« Un pauvre jeune de banlieue

décrit son frère à la barre

qui n’a pas eu le choix

et très vite

a préféré

le business au vol ».

Pas le mauvais mauvais gars, quoi.

Vendre des armes c’est pas très grave.


Leur père est parti.

Il verse peu de pension.

Il était chef d’entreprise

il a construit des routes

des stades des hôtels :

la Tunisie en plein boom.

Il va au ski

il achète des voitures.

Hélas, ensuite :

des problèmes.

Voici une famille

malchanceuse en affaires.


Avec sa mère

Ramzi vit d’un hôtel à l’autre.

Ses deux grands frères

sont souvent en prison.

À l’heure actuelle

ils tiennent des agences

de location de voitures.

L’un à Nice

où il vend aussi de la drogue

à ses heures perdues.

La petite sœur est

la française de la famille.


Pas d’éducation religieuse.

Il ne va pas à la mosquée :

les discours y sont trop bizarres.

Il n’a jamais entendu parler

des cinq piliers

ni de la charia.


À 14 ans il commence :

tabac cannabis

sorties délits.

La normalité pour gagner de l’argent,

c’est, dit-il,

la voie illégale.


Il trouve une formation

en boulangerie

dans le vieux Nice.

La patronne ne sera là

que l’après-midi.

Quand il repasse

elle dit non.

Alors,

plus jamais Ramzi n’a cherché

à travailler.

Non mais alors !


Sa mère

oblige son père

à l’embaucher dans le bâtiment

ça lui déplaît :

il peut

gagner autant en trente secondes.


Ma seule passion c’est l’argent.

500 euros par jour

Je suis ambitieux, réfléchi.

Aucune expérience professionnelle en rien.

Il ne trafique pas que du cannabis

ou de la cocaïne

mais des cartes vertes vierges

des assurances taxiphones

Il achète de l’or

dont il connaît le cours

il sait le prix d’une arme

d’une montre

d’une moto volée

d’une voiture neuve.

Parfois même,

il commet des actes légaux.

Il déniche et retape

un scooter

une moto

pour faire des sous.


Je ne mets plus mes véhicules en vente

sur Leboncoin :

embrouille garantie.

Ces récupérateurs fouillent là-dedans

comme dans un tas d’ordures

pour acheter au quart du prix.

Ma vieille Suzuki n’est pas une ordure.

Elle est toujours à vendre.

Écrivez-moi.


Surtout pas de femme pour Ramzi-le-Cash,

après qu’une l’a trompé

avec son meilleur ami.


Ramzi est du genre à faire des chichis,

a déclaré sa mère

aux enquêteurs.

Elle le trouve

trop sensible.



Revenons à la plage

où nos trois frères

sont si bien.

Tellement bien,

que tiens

ils n’ont même pas suivi l’actualité

de l’attentat auquel

ils ont échappé hier soir.

Le nombre de mort,

l’identité de l’auteur,

tout ça :

pas intéressant.

Ce ne sont pas quelques dizaines de morts

qui vont troubler nos gros durs

et leurs réjouissances

familiales.


Seul ombre au tableau

pour Ramzi-le-Cash :

ce SMS étrange

qu’il découvre sur la plage

mais a reçu hier soir

avant 22h30 bien sûr.

(Quand il est off

Ramzi ne consulte pas

sa ligne à drogués).

Le texto est de notre Momo :

« Salam Ramzy, je suis passé tout à l'heure au taxiphone 16 rue Marceau je t'ai pas trouvé Je voulais te dire que le pistolet que tu m'as donné hier c'est très bien, alors on ramène 5 de chez ton copain 7 rue Miollis, 5è étage c'est pour Choukri et ses amis"

"Ils sont prêts pour le mois prochain".


Hou qu’il est mécontent, Ramzi !

Ce tox de Bouhlel

est fou à lier

ou quoi ?

On ne fait jamais ça !

On n’écrit jamais ces mots,

dans les usages

du business !

Il veut le mouiller,

ou quoi ?

Son nom !

L’adresse du taxiphone !

Et surtout

surtout,

ce con met aussi

l’adresse rue Miollis

de l’Albanais

Giovanni

connu par toute la pègre

comme le plus puissant

le plus méchant

le plus armé.

Non mais quel malade !

Putain de cokés !

Si Giovanni sait ça,

fin du business

et puis va savoir quoi d’autre

avec ces psychopathes d’Albanais.

Guerre civile Marceau Miollis ?

Amis niçois, évitez Malausséna !

(Et puis c'est qui ce Chokri ?)


" Dans ce genre de situation,

Monsieur le Président

on se débarrasse du téléphone

ou bien

on rattrape le truc."


Rattraper le truc

doit signifier

péter la gueule de l’imprudent.


Pour un expéditeur dangereux,

Ramzi aurait jeté le téléphone.

Mais pour un de ces putains

de cramés de drogués,

– il en a tant dans son entourage –,

pour un Bouhlel,

il va choisir

de rattraper.

Bouhlel ne perd rien pour attendre.

Ramzi-le-Cash n’a pas peur de lui.

Jamais.

A aucun moment.


Pour l’heure

Ramzi-le-Cash brouille les pistes :

il répond à Bouhlel

quelque chose comme :

« C’est qui ? Que voulez vous ?

tu te trompes de num. »

Puis il claque des doigts

en l’air

pour commander une nouvelle

bouteille de champagne. »

Keep cool.

Pas le feu au lac.

Il règlera tout ça demain.


Mais le lendemain

16 juillet

quelle n’est pas la surprise

de notre accusé

lorsque chez lui

à six heures du matin

il est interpelé

par le Raid !


[à suivre...]

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1 Comment


sabinebarelli1
Nov 17, 2022

Depuis les dernières auditions on est dans un monde parallèle... C'est le festival du foutage de gueules !

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