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  • Photo du rédacteurThierry Vimal

NI JUSTICE, NI RÉPARATION

Dernière mise à jour : 10 janv. 2023


Pour le verdict,

on hésita :

île de la cité

ou

Palais Acropolis ?

Paris fut choisi.

Sans conviction d’abord.

Mais

à deux jours du verdict,

intime conviction était faite.


Un verdict à Acropolis ?

Trop dangereux.

Quelle que soit la décision de la cour,

ils seront furieux.

Ils repartiront en colère.

Ils tueront des gens.


Qui pourrait bien

repartir heureux

du procès

de cet attentat-là

ou de n’importe quel autre ?

Car

disent l’Ami spirituel

et la Senorita

il n’y aura ni justice

ni réparation.

(Peut-être

un semblant de satisfaction

le sentiment

d'une rustine ?)

Ni justice ni réparation

en tout cas pas ici

pas dans ce monde

pas de la part des hommes.

Mais les Dieux

leur temps venu

nous donneront bien plus.


Entendre l’horreur

des témoignages de victimes

ne m’apporta aucun indice

quant à l’implication des accusés.

Donc

je ne fus pas sujet

au mécanisme :

« plus j’en entends

plus je désire qu’ils morflent ».


Pendant le temps alloué

à l'interrogatoire des accusés

en revanche

chacun de leurs mots

me convainquit davantage

de leur culpabilité.


Leur défense pourtant

surtout celle de Chafroud

en quelques phrases

me fit douter.

Et c’était bien.

C’était mon devoir de douter.

Est-ce ma faute à moi

si quand les défunts d’autres

les honnissent de recevoir de l’argent

mais les supplient d’obtenir

les peines maximales

quelle que soit la vérité

ma défunte à moi

depuis ses cieux me dit :

« prends tout l’argent qui se présente

quant aux peines proclamées

désire-les justes

plutôt que longues. »

?


Verdict fut rendu

dans une salle pleine

comme un bateau-mouche.

Tenons-nous en à Ghraieb

à Chafroud

les deux les plus

éventuellement terroristes.

Raviot

en l’ultime journée d’audience pénale

les déclara

à la majorité de la cour

coupables

d’association de malfaiteurs

terroriste.


Dix-huit ans ferme

chacun.


Dix-huit ans ?

Merde,

me dis-je.

Car en vérité

ce n’était pas la cour

mais moi-même

qui les condamnait à cette peine.

Et c’était bien la première fois

que je condamnais des gens

à dix-huit ans de prison.

Ça fit bizarre.

C’était très solennel.

Très angoissant, aussi :

« la messe est dite

chuchota la Señorita

alors j’espère

que tu ne t’es pas trompé.

Ça craindrait.

Dix-huit ans,

Papounet,

c’est pas rien. »


Ce dialogue

intime

initiatique

essentiel

fut interrompu

par des applaudissements

de la joie

un bras d’honneur

intempestifs à mon goût.


Un bras d’honneur ?

Ca veut dire qu’on les a eus ?

Qu’on les a niqués

qu’on les emmerde ?

Non non,

c’est bien eux

qui nous ont niqués.

Ils restent les vainqueurs

même si nous les décapitons.

Range ton bras,

va,

garde juste l’honneur

et celui de nos morts.


Le pluriel

ne vaut rien à l’Homme

et ainsi

la loi du plus grand nombre

confisqua l’ampleur

la saveur

l’odeur

de mon moment de verdict.


De la même manière que

la majorité des avocats

paresseuse face aux nuances

et peu soucieuse des minorités

m’avait confisqué le droit de douter.

De la même manière que

la médecine légale

m’a confisqué des organes

et Bouhlel

ma fille.


Confiscations

moyennes ou grandes

mais

confiscations.

Foutu monde

de confiscateurs

cannibales.


Combien de temps croiront-ils,

les proches de victimes,

qu’ils sont ressortis gagnants ?

Un gars tue 86 personnes

ses comparses prennent dix-huit ans.

Voyez-vous quoi que ce soit

dans cette histoire

de réjouissant ?


Nous sommes de la loose

forever.


Un gars

dans le hall

après la clôture

sautait de joie

trépignait frétillait

riait

serrait les gens contre lui

comme si la France

était championne du monde :

à côté de la plaque.

Grossier.

Obscène.

C’est sur le corps de ma fille

qu’il sautillait.


J’aurais tant aimé

au sortir d’un moment si important

réussir

à aimer dans la bienveillance

la vulgarité

du peuple des Vulgaires.

M’attendrir sur la grossièreté

des bras d’honneur.

Pauvre chère bêtise,

que je ne hais pas, moi,

et que je regarde avec des yeux maternels ;

car c’est une enfance,

et toute enfance

est sacrée.

(George Sand)


Si enfantins

oui

tous

qu’un souffle du président Raviot

suffit à les faire taire

penauds.

(Dès qu’il aura le dos tourné

ils recommenceront.)

J’aurais aimé

ne pas les trouver

souvent

plus proches des accusés que de moi.

Ils n’ont tué personne

mais va savoir lesquels

lâchés dans les rues

à l’issue d’un acquittement

auraient basculé

dans la tuerie sanguinaire.

Le peuple est épris de justice

mais pas de celle en vigueur.

Combien de centaines étaient-ils

à Hautefaye

1870

à lyncher

brûler

manger

le nommé Monéys ?


Merci à vous

président Raviot

non pas pour ce verdict

qui par nature

n’appelle aucun remerciement

qui mettrait en doute

sa neutralité.


Merci pour la dignité

offerte au procès.

Pour l’avoir présidé

sans gesticulations

ni exaltation

mais

en

travaillant.

En écoutant,

cherchant à comprendre,

sans hésiter à se reprendre,

à faire répéter,

à exiger de la précision,

en préservant

– et je devine que ce fut dur –

sa hauteur

à l’Institution justice.


Les accusés

les témoins les experts

avocats et parties civiles

Hollande Estrosi stars

cette grande foire,

vendeurs acheteurs bestiaux

lapins et poulets en cage

plumes en l’air et bouses au sol

balles de paille et sacs de jute

ivrognes et barriques…

Chacun dans son rôle

tenta de tracer

son propre itinéraire de sens

sous la houlette

du grand discliplineur Raviot

et sa sœur Bessone assesseur

qui jusqu’au bout surent maintenir

à cette grande foire

une forme unique

spatiale

temporaire et lisible.


« Fais-moi voir tes branches de lunettes

disait chaque soir à table

Madame Raviot.

Et comme le président refusait

elle allait elle-même

les examiner dans l’étui

et menaçait :

Oh toi,

après le procès,

t’as intérêt

à me prendre des vacances ! »


S’il fallait vous reprocher une chose

une indignité

cher président Raviot

et je vous le dis au nom de toute la ville

de Nice

c’est d’avoir laissé

cette Master the King

maltraiter notre bon maire

à coups de questions

inadmissibles

taraudant

inadmissiblement

les parties civiles !

Comment avez-vous pu laisser faire ?

La laisser mener sa petite barque ?

Il était pourtant écrit au dossier

qu’elle seule

l’avait fait citer à la barre.

Aucun avocat

du barreau de Nice

ni d’ailleurs !

Comme il fut gênant

blessant

pour les citoyens de notre belle ville

de voir leur chef bien-aimé

dépaysé

démuni

faible

si vainement rouge de colère

en contrebas de votre estrade.

Quel moment cruel

embarrassant

pour nous tous

de le voir ainsi

humilié !

Que ne donnâtes-vous

président Raviot

lecture de la lettre qu’il vous adressa

au lendemain de sa citation

et qui sans nul doute

tirant quelques larmes aux parties compatissantes

aurait restauré l’honneur

dont on l’avait

inadmissiblement

dépouillé à Paris ?


(Un moment nous crûmes

quand nous le vîmes sourire

et faire tournoyer son index en l’air

près de sa tempe

les yeux écarquillés

qu’enfin

rebelle

il allait vous traiter d’imbécile.

Mais non !

il vous expliquait

que les caméras de vidéoprotection

tournent !

Aussi,

comment pourraient-elles

filmer un camion

si quand il passe

elles sont orientées vers l’autre sens ?

Réfléchissez, enfin,

mon vieux Raviot !)

Gare à sa colère

de leader

coiffé sur le poteau !

Cher président Raviot

promettez-moi

de renforcer la sécurité

de votre bel et grand palais sur la Seine.

Nice pourrait bien l'attaquer

le détruire

car son maire possède

– croyez-moi car je l’ai vue à l'œuvre –

une gigantesque

machine à pince.



Je reviens à la douleur

de m’être senti dépossédé

de mon droit de douter,

par la tendance générale

du grand navire Argo

avocats-des-parties-civiles

stationné tout devant à droite

qui me mit comme

des piquets de grève.


Quelle compétence

de psy, de prêtre, de gourou

s’arrogent ces avocats

pour décréter

que ma survie de père endeuillé

passe par des peines maximales ?

Bah

classique attitude

des professionnels en routine

à l’égard d’un hors-du-rang

tel un garagiste

méprisant votre vieille voiture

indigne à réparer.

"Y a plus les pièces".


Certes

il convient de répondre

à la demande des clients.

Plus ils sont nombreux

plus la tendance

est à la vengeance

– à quoi bon s’encombrer

des arguments qui font douter ?


D’autres robes noires

blessées dans leur âme niçoise

furent davantage

parties civiles auto-représentées

que professionnels

défenseurs de victimes.

On ne saurait leur en vouloir.

Tout Niçois en ville

en juillet 2016

les comprendra.

Il les pardonnera

de s’insurger

contre ceux qui plaidèrent le doute.


Mais

qu’on m’explique :


Si l’acquittement était

impensable

alors

de quelle victoire

se réclamer ?


En revanche

si l’acquittement était envisageable

alors

pourquoi cracher

sur ceux qui eurent l’honnêteté

le courage

de plaider le doute

– d’abord pour préparer leurs clients

à une éventuelle déception

?


Combien de centaines étaient-ils

(bis)

à Hautefaye

1870

à lyncher

brûler

manger

le nommé Monéys ?


Les plus furieux,

qui auraient-ils dévoré

à l’annonce de l’acquittement ?

Les renégats de mon espèce ?

La défense ?

La Cour ?

Leurs propres avocats ?

(Contenus par les gendarmes,

sans doute se seraient-ils

mangés entre eux.)


Non,

je ne suis pas

du parti des accusés.

Oui,

je les espérais

derrière les barreaux

plutôt que dehors.


Mais

quoique non professionnel de justice

il est de mon droit

de me proclamer

d’abord

de l’intransigeant camp des Raviot

(qu’on vit en colère

uniquement

lorsque tel ou tel

osa se réclamer des victimes

et de leur bon dos

pour briller

ou pour passer en force ou en ruse

une question

une requête.)


Nous entendîmes

au tout dernier jour de l’audience civile

que tel avocat avait su

avec la raideur d’un général prussien

enfermé dans une rondeur

toute méditerranéenne,

(si vous avez compris la notion de

rondeur méditerranéenne

écrivez-moi)

organiser en troupeau

les chats indépendants et sauvages

que nous sommes,

nous

les

avocats.


Qu’en ai-je à faire ?

Qu’en ont à faire

les spectres de la Señorita

et des autres morts

qu’au procès de leur assassinat

certains se glorifient

d’être des félins gracieux

agiles et sensuels

indomptables

irrésistiblement têtus

indépendants et sauvages

(qui plus est

en le présentant

comme une tare) ?


Animaux merveilleux,

un temps seulement

rassemblés en troupeau

au service d’un autre

d’herbivores domestiques ?

T’en foutrais

des chats sauvages.



Au Café des Deux-palais

le soir de clôture de V13

le Ruinart dit-on

coula à flots.

Au même endroit

le soir de Prom14

je vis surtout

boire de la bière

dans les divers groupes

où successivement

j’allais m’enchanter.


Arrivant tardivement à la soirée

assoiffé

je parcourus le plus court chemin

depuis la porte d’entrée jusqu’au comptoir

ce qui me fit traverser

un groupe d’avocats de la défense

– que

comme vous savez

je ne déteste pas.

Mais je ne leur parlai pas :

je voulais

avant toute chose

une pinte de Lagunitas.


On m’aperçut là

on me qualifia de traître

on m’apposa sur le front

des doigts en cornes du démon

on me voua

mot pour mot

à l’enfer.

Sans plaisanter.


Personne ne m’avait

jusqu’alors

cherché noise.

Il fallut dix minutes

après la fin du procès

pour qu’on me traite de diable.

Ce que j’y vis ?

L’éclatante satisfaction du verdict

déjà disparue

et désormais feinte

pour garder la face.

La frustration

la douleur déjà

de nouveau

maîtresses à bord.

Et moi

j’avais sans doute la tête

un peu peinée

surtout pleine de pitié

du gars qui s’en rend compte…



Et

voilà

c’est fini

presque.


Presque close,

cette chronique

où l’on arriva

comme dans ce procès

sur un char égyptien

rutilant

blindé de canons

catapultes

lyrique par défense

par défiance extrême.

AH !

rédigeant

quelquefois l’on se sentit

passionné comme un Hondelatte

habité comme un Rizet !


Finis

la presse les gens les discussions

les Jacquemin Jacquin

les McLiam Wilson

les Master the King et Master I-like-it

et les gnagnagni-gnagnani.


Le monde a présent est atterré.

Même les gens pas au courant

dans les villes non concernées

ont versé dans la sidération

l’abêtissement.

De la fin du procès

la planète entière est prostrée.


Mais j’emporte à la maison

une divine fleur de lune

aux grands pétales bleutés

cueillie dans l’allée centrale

bientôt défaite de sa robe noire

et dont la prévenance

les grimaces

et la douce singularité

sont un trésor.


Merci à tous

amour à tous.

L’on se sent aimé

comme un Johnny transpiré

à la fin d’un stade de France

torse nu

de sueur ruisselant

un grand sourire à la bouche.


Amis

tenons tête

au cannibalisme

et à la médiocrité.


Cette chronique

n’est pas tout à fait terminée.

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