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  • Photo du rédacteurThierry Vimal

PROSE DU FRIGO

Dernière mise à jour : 27 nov. 2022

Il vaut mieux assister au procès

sur l’île de la Cité

qu’à Nice Acropolis :

le vivant est supérieur

à l’écran.


Toutefois

bénie soit

la Señorita

qui

sur ses célestes pupitres

me programma l’interrogatoire

Zagar

un jour de résidence niçoise.


À Paris,

si la salle rit,

le Président Raviot

rappelle à l’ordre

– dignité du débat.


À Nice,

l’on peut

se tordre de rire.

Ce soir :

Café de la Gare !

Splendide !


Zagar : frère du beau-frère

de Bouhlel Mohamed salehomme.


« Bonjour monsieur Zagar,

je vais laisser ma collègue

vous interroger.

Ça marche.

C’est vrai que c’est dramatique ce qui s’est passé, mais j’ai rien à voir avec cette histoire, oui c’est vrai que c’est dramatique mais j’ai rien à voir avec cette histoire, quand je l’ai connu je vivais boulevard Sapia mais ma femme s’était barrée avec les gosses avant et j’avais un contrat européen payé le smic enfin je vais pas rentrer dans les détails mais fallait se débrouiller.

– Mais quand vous avez connu….

– Non mais c’est parce que moi je faisais des travaux et… et… et et et et il est parti pour chercher le frigo pour moi et on le ramène à la maison et tout et il va chercher la perceuse chez son collègue et tout et après…

– Attendez la fin des questions,

M. Zagar.

Quand avez-vous…

– Il venait pas pour faire du carrelage et des trucs comme ça il venait juste pour aller à Ciffreo Bona et des trucs comme ça mais il vient pas pour faire des travaux comme mon frère, mon frère il vient faire des travaux chez moi le carrelage et tout ça et ça c’est un ami c’est de l’amitié mais Mohamed non c’est juste un camarade c’est juste pour porter des trucs et tout et…

– Laissez-moi vous poser

les questions

jusqu’à la fin !

– Oui mais moi je faisais les travaux à la maison et j’avais pas de moyen de locomotion et alors je l’appelais et tout et…

– Écoutez-moi !

Et ne vous éloignez pas du micro.

Parlez bien dedans.

Il était comment,

M. Bouhlel ?

– Il était normal je veux dire oui on s’est jamais pris la tête et tout il a toujours été respectueux je l’ai jamais vu prendre de médicaments mais jamais jamais jamais je l’ai vu de mes propres yeux en prendre non non non je veux dire ça parle un peu avec la famille et tout qu’il a un peu des problèmes psychologiques, mais je suis pas rentré dans les détails et comme des fois ils sont au salon ils parlent mais je vais pas rentrer dans les détails genre qu’est-ce qu’il a de psychologique et tout. Moi j’ai dit qu’il était déprimé c’est moi qui… bon bah moi j’ai été auditionné dix milliards de fois non mais laissez-moi en placer une s’il vous plaît j’ai été auditionné 10 milliards de fois mais précisez votre question Madame la Présidente avec tout le respect que je vous dois.

– Baissez d’un ton

devant la cour,

et arrêtez de crier

dans le micro.

– J’étais en garde à vue j’ai été auditionné 10 milliards de fois mais je sais pas pour répondre à quelle question soyez plus précise ! Mohamed il a été correct, enfin pas correct mais gentil normal, mais jamais agressif toujours le sourire et tout et…

– Vous avez dit qu’il faisait

ramadan…

– C’est le beau-frère de mon frère donc mon frère a plus de contacts avec lui que moi avec lui, lui et moi on se voit bonjour bonjour ça va ça va au revoir et c’est tout, mais après je faisais les travaux je voulais tout faire tout bien et tout dans la maison et j’étais trop content mais il vient il reste pas, quoi, peut-être une heure ou même pas 15 ou 20 minutes et il est toujours pressé et il passe il s’en va quoi… Comment ça, moi je sors du chantier en djellaba Madame la Présidente ? Jamais. Jamais. Avec tout le respect que je vous dois j’aimerais bien accepter des bonnes informations et bon j’ai juré devant le Dieu unique…

– Non,

c’est un serment pénal

que vous avez prêté,

et non pas religieux.

Vous dites qu’il écoutait

en 2016

dans sa voiture

des

récitations du Coran.

Depuis quand exactement ?

– Depuis qu’on est parti chercher le frigo. Il m’a dit de pas mettre de musique car c’était péché et alors alors..."

Alors

tout à coup

Zagar devient

muet.

Sound off.

La bouche bouge.

Essaye

Mais rien ne sort.

Les yeux roulent.

Bug.


« Bouhlel a-t-il pu voir en vous une référence religieuse ? »


Débug.

« Je ne peux pas répondre à cette question sur Bouhlel car je ne suis pas lui et je n’ai pas à répondre à cette question c’est à lui qu’il faudra poser cette question… Mais je pense pas : il fait des critiques que je porte un short, je sais pas si je m’y connais mieux que lui en religion mais vous savez tout le monde m’aime bien même à la maison et même les enfants, je peux pas me permettre de me juger moi-même qui je suis, mais la société m’aime bien et moi je les aime bien la société moi aussi.

– Consultait-il des sites religieux ?

– La dernière fois chez lui il y avait la télévision la chaîne Al Jazeera Madame la Présidente vous connaissez la chaîne Al Jazeera ? Une fois je suis allé chez lui on regarde la télé, il m’avait dit passe avec les enfants et tout alors la deuxième fois je suis allé avec les enfants et il voulait pas m’ouvrir et j’ai tapé tapé tapé…

– Revenez vers le micro !

– J’étais avec les trois petits et il était dedans mais il n’a pas voulu m’ouvrir et…

– Arrêtez de vous déplacer

revenez

devant le micro.

Saviez-vous,

pour la location du camion ?

– Non non non non non non pas du tout du tout mais moi j’ai besoin d’un frigo pour pouvoir vivre un frigo c’est tout à fait logique et c’est moi qui l’appelle pour le frigo et il passe à la maison après y a la gare de Saint-Roch et…

– Revenez au micro !

Arrêtez de vous déplacer !

Et écoutez les questions

jusqu’à la fin.

Pourquoi Bouhlel

est-il si agité

le jour de l’Aïd,

à votre avis ?

– Il est venu me chercher mais il avait oublié un tapis de prière à Acropolis alors on est parti à Acropolis et après on est repartis chercher le frigo et il a…

– Cette photo montre-t-elle

le moment

de la commande

du frigo ?

– Non ça c’est un dimanche après-midi on est parti au marché à Saint Augustin il était onze heures et…

– L’arme entre vous

ressemble à

un pistolet à Silicone.

– Et c’est tout à fait cela, Madame la Présidente. Un pistolet à silicone.

– Lui avez-vous parlé

de sa barbe

qu’il laissait pousser ?

– Non mais moi je me suis même pas rendu compte ! Il a pas de barbe sur votre photo là. Une barbe ? Non ça c’est pas une barbe ça, il a pas de barbe.

– Commentez cette photo

de fidèles en prière,

qu’il a prise à l’Aïd,

à Acropolis.

– Voilà ! Et juste après on va chercher le frigo !

– Éloignez-vous du micro.

– Et même pendant le trajet on n’a pas mis les trucs dessus là les fils sur le toit pour attacher le frigo sur le toit, enfin non rien c’est bon, non non, enfin je voulais attacher le frigo sur le toit mais lui il me dit tu t’inquiètes pour ton frigo pas pour ma voiture.

– Il venait de faire

son premier ramadan ?

– Un jour il a mangé dans le mois de ramadan, il a mangé mais quel jour je sais pas, en tout cas il a mangé mais je sais pas quel jour.

– Qu’avez-vous pensé

de cette crise

religieuse ?

– Le frigo il est monté comme ça enfin d’abord on est arrivé à Acropolis et après je me suis inséré dans le champ et après on est parti chercher le frigo il m’a déposé le frigo et il a dit je suis pressé il m’a rien dit d’autre même que j’avais un petit frigo pour lui mais il l’a jeté et il est parti et moi j’ai commencé à installer mon frigo.

– Vous lui envoyez

un peu plus tard

un SMS :

la mosquée est fermée.

Vous lui dites

que vous l’attendez…"


À nouveau

tout à coup

Zagar devient

muet.

Sound off.

La bouche bouge.

Essaye

Mais rien ne sort.

Les yeux roulent.

Bug.

« Non non non… faut que je me souvienne… moi j’ai pas fait tout ce trajet pour pas répondre, et pas me souvenir de la mosquée, la mosquée la mosquée la mosquée, alors, un café…

– Sur vos SMS

vous semblez

vous énerver.

Vous lui écrivez que vous l’attendez

depuis midi.

II vous envoie ce message

où il ment :

il vous dit être à Cagnes,

tandis que son téléphone

borne

chez lui.

Ensuite,

votre téléphone

envoie à Ghraieb :

14.7.7.16

puis plus tard

15.8

et Ghraieb répond :

« ? »

" Il m’a dit emprunte-moi ton téléphone je veux envoyer un message à ma coupine alors peut-être il a plus de charge ou plus de sous et puis il me dit rappelle pas ce numéro surtout car c’est ma coupine enfin je sais plus quelle excuse il m’a dit mais je lui ai emprunté mon téléphone en confiance…

Prêté.

– Oui pardon Madame la Présidente prêté mais voilà en confiance je lui ai emprunté mon téléphone et c’est un truc qu’il envoyait à sa coupine ça me regarde pas je me mêle pas c’est lui et sa coupine et sa femme enfin sa coupine et moi je me mêle pas de personne jamais je me mêle jamais de personne…

– Mais la copine vous répond

avec

ce point d’interrogation…

– Mais je regarde pas moi il m’a dit c’est ma coupine mais jamais jamais je me mêle je regarde pas c’est pas mes trucs, et sinon il m’a jamais demandé d’argent pour le frigo ou pour l’essence ou quoi mais il m’a demandé de lui donner le plus d’argent que je pourrais…

– Revenez dans le micro

et

cessez de vous agiter.

– Oui alors pour l’argent il me dit qu’il a trois enfants et c’est 150 euros par enfant alors il y arrivait pas voilà c’est ça il me dit qu’il a demandé un crédit de 5000 euros mais là faut voir les enquêteurs et j’ai juré devant le Dieu unique, et Madame la Présidente avec tout le respect que je vous dois il vient avec moi avec 100 euros en tout car il a dit prête-moi le max que tu peux me donner alors moi j’étais parti pour 1000 mais lui il a dit 1500.

– Et ce rendez-vous

à l’auto-école bleue

le 7 juillet ?

– Le 7 juillet… le 7 juillet… le 7 juillet…. Je sais pas… Non non non je devais lui rendre la perceuse ce jour-là, c’est pas ça ?

– Je ne sais pas

Monsieur Zagar,

je n’y étais pas.

8 juillet :

6 appels dans l’après-midi, rapides,

puis il vous appelle le soir,

puis vous envoie ce message :

Viens à 23 heures

à Jean-Médecin

on va parler avec Walid

à l’hôtel 64

Pourquoi vous proposer

cette rencontre avec Ghraieb

que vous dites

ne pas connaître ?

– Non mais pendant que lui il envoie ses trucs et ses messages et ses conneries moi je suis à la mosquée en train de prier et après je prépare la salade pour le soir et puis il y avait aussi là je sais plus comment il s’appelle mais j’ai grandi avec lui, son frère il est mort aussi, mais il ne vit pas là et il n’est pas là ce soir mais il est juste passé, Sabri oui voilà, Sabri Sabri Sabri Sabri, mais mon téléphone a eu un problème il s’est éteint il s’est mis en mode je sais pas quoi ou avion ou je sais pas quoi je ne me souviens pas bien et quand j’ai fini la prière mon téléphone ne marchait pas alors je suis allé devant la mosquée de la rue de Suisse pour le retrouver… Mais comme j’essaye de m’en souvenir ! Comme j’essaye comme j’essaye ! Mais aidez-moi !

– Vous connaissez Mohamed Ghraieb.

– Non non non non c’est Bouhlel il voulait me mettre dessus, mais pourquoi il m’a fait ça, c’est à moi maintenant de vous poser la question ! Il voulait me mettre dedans en me prenant en photo devant le camion et vous cherchez la facilité, à imaginer des trucs faciles, mais il m’a mis dedans ! Il m’a bien eu il m’a pris en photo devant le camion ça montre qu’il m’en veut et c’est à vous de comprendre pourquoi, d’enquêter et de me dire pourquoi il m’en veut comme ça !

– Reculez-vous du micro.

Ne criez plus.

Pourquoi vouliez-vous lui donner

de l’argent ?

– Parce que il m’aide pour le frigo alors je lui dis je vais voir ce qui est possible et puis non je lui donne rien mais il était pas fâché, jamais jamais jamais.

– Le 12 juillet donc,

il vous prend en photo devant le camion.

– Il m’appelle il me dit ça va je lui dis ça va et comme des fois il passe me voir avec le camion du boulot et il me fait des klaxons et des trucs comme ça et il passe vers midi une heure il dit j’ai fini de bosser il est en congé mais je sais pas de quelle date à quelle date il est en congé et non non non j’ai pas remarqué que c’était pas le camion habituel.

– Retournez au micro !

– Il était super heureux, ça pour heureux il était super heureux il me dit regarde le camion il est propre et tout et il est trop content mais je voulais dire,

avec tout le respect que je vous dois

Madame la Présidente,

si je sais qu’il va faire

cette connerie

avec le camion

je me prends pas en photo

avec lui devant le camion,

jamais,

alors posez-moi

des bonnes questions,

mais pourquoi il m’a chargé à ce point ?

– Ce n’est pas à vous de choisir les questions,

c’est dans l’autre sens

que ça marche.

– Oui Madame la Présidente."


Aparté du chroniqueur :

En effet,

Madame la Présidente,

l'église que vous mentionnâtes

comme Notre-Dame

près de la gare

existe bien à Nice.

C'est même

une basilique.

Certains de vos collègues

antiterro

en ont sans doute

entendu parler.

Je vous pardonne :

vous fûtes ce soir

merveilleuse

opiniâtre

drôle et sage.

Et courageuse,

oh pauvre de vous !

Je vais cesser

de conseiller à ma fille

la magistrature.

Mais tout comme

certaines de nos victimes

sont choquées

par certains footings

il est vraisemblable

que du côté de la basilique

l'on tique.


« Madame la Présidente, ces jours-là Mohamed il est calme calme calme joyeux, lui c’est le contraire du stress, il est tout le temps joyeux il paye toujours le café il me manque jamais de respect il est… il est…

– Monsieur Zagar,

vous avez pris des produits

avant de venir nous voir ?

Ou bien vous êtes toujours

comme ça ?

– Madame la Présidente il était tout à fait normal classique rien de rien pas de soupçon et voilà il s’est passé ça et moi tous les matins je fais mon footing sur la Prom’ même il pleut il neige je fais mon footing sur la Prom’ et le 15 juillet je suis allé faire mon footing et la Prom’ était fermée et je suis passé par la rue de France qu’elle est parallèle parce que j’aime la course à pied…

– Des victimes ont été choquées

par ceux

qui firent du footing

le lendemain…

– Non mais je suis passé par la rue de France.

– Et la veille au soir, le 14 ?

– J’étais à la mosquée

et je suis sorti

c’était le chaos

ce soir-là

il y avait un de ces vents. »


Les yeux roulent.

Un fou.

En vrai.

« J’ai su que c’était lui aux infos sa femme le cherchait et aussi toute sa famille on le voyait pas de la journée on m’a appelé à une heure mais je me souviens plus si c’était une heure de l’après-midi ou une heure du matin. »


Raviot :

« Connaissez-vous sa sœur Rabab ?

– Non.

– Quant à sa sœur Asma, elle…

– Ah oui Asma je la connais.

– Bien sûr que vous la connaissez,

c’est l’épouse de votre frère.

Alors,

vous dites n'avoir pas regardé

la réponse de la copine

de M. Lahouaiej Bouhlel…

Pourtant vous déclarez

ailleurs

avoir vu

ce point d’interrogation…

– Vous essayez de m’embrouiller !

– Arrêtez de vous agiter. »


Tant pis pour la fin :

il est l’heure de partir

chercher

petite sœur

à l’aïkido

– dont on ferait bien

de reprendre

prestement

le chemin.


Plus tard

sollicitation de mes indics.

L’amie Sophie

comme tous les autres

a beaucoup ri.


Puis elle est sortie

appeler son fils

mais dans la rue :

une excitation policière.


Tout à coup

pour Sophie

la bêtise

navrante et abyssale

– l'on aurait bien voulu

ne pas la citer –

prit le dessus

sur le rire.

Elle submergea

l’amie Sophie :

en panique

terrifiée

« comme en 2016

/ 2017 ».


L’amie Florence

croit savoir que cette

« excitation policière »

n’est le fruit de rien d'autre

que d’un exercice

Alerte attentat.


À vérifier.

L'on vous dira.

On se serait pas étonné

d’un choix aussi

intelligent

dans cette ville

d'une autre sociologie.



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