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  • Photo du rédacteurThierry Vimal

MA PLAIDOIRIE

(Franchement

celle-ci

ne la lisez pas.

Longue

chiante

donneuse de leçons.

Vous n’aimerez pas.

Pourquoi la publier ?

Il est temps de clore

le lyrisme

de Ça passe crème.)


Monsieur le président

Mesdames et monsieur de la Cour

Balbuzards, poupées de cire

fantômes

barons, ténors et rats d’égouts :

ma plaidoirie !

Litanique.

Modestes psaumes

cantiques.

Avis et doléances

maintes fois exprimés

ici et ailleurs

mais il va être temps

de clore.


CANTIQUE DE LA LOOSE


« L’attentat de la honte ! »

qu’ils gueulaient.

Peut-être,

mais d’abord

l’attentat de la loose !

Les victimes de la loose.

Les morts de la loose.

Les survivants de la loose.

Comme dans un moulin

qu’il est rentré

le camion !

et même pas la faute

à la surveillance !

Terreur

enfants vieillards handicapés

vous connaissez la chanson

peur douleur horreur

écrasements

démembrements

asphyxie brûlures

marquages au fer

pilleurs

filmeurs

frimeurs

Samus : dépassés

Organes : prélevés


Et que je te Quatrehomme

t’estrosise

et te ghraièbe

et te chafroude

à la boulelle :

LA LOOSE !


Ah non je ne me souviens pas

de cet attentat-là.

LA LOOSE !


Basse qualité sociologique de souffrance.

LA LOOSE !


Province, loose de Paris

Nice, loose de Province

Prom’ party 14 juillet, loose de Nice.

Loose de loose de loose.


Deux livres d’écrits :

à peine signalés.

Une chronique :

250 fidèles.

À peine de journalistes

des bons oui

vraiment

mais leurs articles :

pas lus.

Déprogrammations.

Loose !


Señorita

tu as tellement péri

dans la loose

dans un coffre de Clio

dans un frigo d’IML

que même

sans t’avoir aperçue

sur l'abominable film

je sais que tu l’as vu

fonçant sur toi

et que tu as couru

tenté de lui échapper

et perdu.

Ma Christ de loose.


Et si jamais vous me trouvez

geignard

jamais content

chiant

mettez ça aussi sur son compte,

à la LOOSE !


Cancéreux : la loose.

Psychos : la loose.

Endeu, la loose.

Psycho – endeu

qui est

le looser de l’autre ?



PSAUME DE LA FACTURE


Les récits des psychos

me tirent moins de larmes.

Ils me sont moins tristes…

mais

plus douloureux.

Comprend qui peut.

Indicible

affaire de mots…

Jetez-moi des galets :

m’en contrefous.


Gloire amour

salut et paix

compassion

mais surtout tant de colère

à votre égard :

idiots de psychos

qui vîtes l’attentat

rentrâtes chez vous

et plus jamais

n’en parlâtes

ni à un fond ni à un psy

ni à un avocat

ni à un proche

ni à personne.

Je doute que vous lisiez cette chronique

(même à vous

vous n’en parlez pas).

Vous ulcérez

cancérez

buvez.


Les autres :

vous êtes venus

à Prom14

pour vous

pour nous aussi.

Nos morts sont aussi les vôtres :

en même temps qu’ils étaient

sous vos yeux

happés sous la calandre

ils devenaient

de votre famille.

(Sauf si le lendemain

vous êtes allés boire du champagne

à Juan-les-Pins.)

Merci

pour ce que nous avez dit

montré

offert.


Et si la Señorita

je l’avais ramenée vivante

à la maison ?

J’aurais béni le ciel

mille fois

et ensuite ?

« Va te coucher. » ?

Que faire pour elle ?

L’on ne peut pas

décamionner

purger d’une poussette écrasée

une mémoire

d’enfant

(ni d’adulte,

mais ce dernier a

devant lui

bien moins de jours

à tenir bon).


Alors quoi ?

Comment l’aider ?

Juste peut-être :

« ta gueule

enfant pourrie gâtée

ingrate !

tu es vivante !

non mais alors !

tu sais combien y en a

qui sont morts

écrasés

et toi,

t’es même pas foutue

de faire

tes putains de devoirs ?

Tu vas encore

longtemps nous les briser

avec ton

– oh là là là –

psychotrauma ?

Six ans déjà !

Quand même !


Et ne recommence pas

avec cette histoire

à dormir debout :

tu n’es pas Supergirl

jamais

tu n’aurais eu le temps

de sauver la gentille dame.

Et qu’en sais-tu

d’abord

qu’elle était gentille ?

File te coucher.

Demain-t’as-psy ! »


« Putain

elle était si cool

si vive

si drôle.

Amie.

Et puis elle a vu

ça.

Elle est vivante

oui

mais ce n’est plus elle.

Il me l’a tuée.

Je voudrais lui arracher

la gorge avec mes dents

tout pareil

que s’il me l’avait vraiment

tuée.

Il l’a vraiment tuée.

Non.

Si.

Moins que Kayla, Yanis…

et je me plains ? »


Ce qu’il nous faudrait

c’est un bon sketch

sur les comparaisons !


Endeus

merde

pensez psycho !

Pas d’obsèques,

pas d’absence

pas d’objet.

Rentrer vivre

sans aucune de ces choses

continuer

jour après jour

Jongler entre la nausée

et l’injonction

de réjouissance.


Con de psycho

ta plainte me choque

moi l’endeu !

Toi qui n’as pas de mort

tu devrais

chaque soir

te réjouir

festoyer !

Mettre à fond

la Chenille qui redémarre

La Danse des canards

et caetera

Macarena !

Champagne !

Tous les soirs !

Sans exception !


Au lieu de ça

beu-heu-heu

beu-heu-heu

Alors quoi merde ?


Chez nous autres

les endeus

toute la famille est unie :

tout le monde fut frappé.

Et si ladite famille

est allée jusqu’à

perdre un enfant,

alors le deuil se diffuse

très très loin

jusqu’aux confins

du cousinage.


Mais pour un psycho ?

les proches absents

ne comprennent pas,

ne souffrent pas,

zéro.

Ils sont effrayés d’abord

peinés ensuite

bien vite, agacés.

Ça ne les regarde pas.

Ça ne les arrange pas.

Ça n’arrange personne.

Ah, cette année, Noël,

désolés

nous on va le faire

du côté de Jean-Claude.


Va savoir

endeu

si du haut de son balcon

ce témoin traumatisé

que tu méprises

n’a pas vu quelque chose

qui changerait ta vie d’après.


Toi aussi

endeu

tu as le pouvoir

de lui faire du bien.

Et tu ne le ferais pas ?

Veux-tu donc

que ton défunt

agonise en enfer ?


UBUNTU !

(Merci pour ce mot

Me Giffard)


Par contre,

sérieux,

psycho,

viens pas me dire

comment je devrais

réagir.

Reste à ta place

bordel.



CANTIQUE DE LA DESTRUCTION


Haro !

Détruisons !

la comparaison de nos malheurs

quand bien même

indiscutablement

ils sont

inégaux.


Détruisons

aussi

la culpabilité.

Son règne est sans appel.

Qu’elle soit invalidée

à la lumière de la raison

n’y change rien.

Elle s’en balance,

la culpabilité.

Elle se jette

partout où elle trouve

de l’espace affaibli.

Elle se passe

de fondement.

Elle est un corps étranger

implanté dans ton corps

comme les graviers de la Prom'

dans la joue de la somptueuse

Adélaïde Stratton.


Sans doute croyons-nous

que la culpabilité exerce

quelque rôle psychique

capital

nous empêchant par exemple

de devenir fous ?


Prenons le risque.

il est de toute première instance

par quelque moyen que ce soit

de tout son être

de

ÉRADIQUER

la culpabilité.

comme s’il s’agissait

d’un objet manufacturé.


Glorifions

cette sainte

saine

destruction-là.

Glorifions

Shiva le grand

qui détruit

en permanence

des structures

pour que d’autres

– celles de nos enfants –

s’édifient

par le souffle de vie

de Vishnou

et avatars consorts.



CANTIQUE DU DJIHAD


Je suis

un djihadiste.

Toutes les victimes

survivantes

à peu près

en sont.


Nous tous

frange des parties civiles

ayant décidé

de continuer l’existence

– pas forcément via

la très controversée

stratégie

du coup de pied aux fesses

mais elle vaut aussi –

nous sommes

djihadistes.

Jamais un terroriste

islamiste

ne le fut.

Jamais.

Bordel.

Le djihad

Votre Honneur

j’essayais déjà avant.

Pendant,

j’ai plutôt bien réussi.

L’après ?

Eh bien,

à nouveau,

essayer.


La Guerre sainte ?

La leur ?

La guerre de ceux

à qui nous devrions pardonner

car ils sont aveugles

à ce qu’ils font ?

La guerre de nos Croisés

de nos missionnaires,

des conquérants sarrasins

des stagiaires de Syrie

mécréants stupides

arrogants

mégalos

ignorants

sexuellement assoiffés

de domination.

Aussi aimés choyés de leur dieu

que moi de Houellebecq,

aussi reconnus des prophètes

que Vimal de Carrère.

Guerre sainte…

Ne point les haïr,

ceux-là ?

Djihad !


Ne point agir trop vite

ni réclamer de têtes

ne pas choisir

le plus court chemin

regarder en face

les défaillances

de sa paternité

son envie de couper la tête

soi-même

d’un Ghraieb

d’un Arefa ?

Djihad !


Comme on aurait voulu fendre

le crâne de la Bouboule

des heures

jusqu’à la mouture

granulé

contre un trottoir de la Prom.

Pas possible.

Quand bien même possible ?

il n’aurait pas fallu.

Djihad !


Pas s’énerver

à la caisse de Monoprix

Garibaldi ou Montparnasse

Pas crever ce connard

qui refuses ton crédit

Djihad !


Écouter avant de parler.

Ton propre frère

moins touché que toi

et qui ne se bat pas

et te complique la vie :

Djihad !


Moi.

Moi et les autres.

les autres et moi.

Les autres.

Ne jugez pas.

Être un avec.

Il n'y a pas d'autre solution

que d'accepter.

Ne refusez rien

d'aucune façon.

La frustration et la dépression

apparaissent

simplement

parce qu'il y a refus

et rejet.

Et ton djihad en pâtit.

Djihad !


(Si tu as envie

de me traiter de sale chien

car en Chrétien

j’ose parler

de Djihad

sache que c’est

çui-qui-dit-qui-est

– chien perdu

de l’amour de dieu.)


Tu les vénères

ceux qui te soumettent

en te donnant l’impression

grotesque

que tu es

un peu intelligent

très utile.

Comment peux-tu les croire ?

Tu n’es ni l’un

ni l’autre

ni pieux

ni croyant.

Mais,

tu peux le devenir :

ton djihad peut commencer

immédiatement.

Écoute ma prêche.

Tu peux devenir

Guerrier de Dieu

d’une seconde à l’autre.

Va rencontrer tes sages

tes savants.

Va interroger

qui connaît ta loi

qui a lu ton Livre

dans l’amour

la demande

le cœur

la tête.

Va parler

au Sheikh Khaled Bentounès

il t’ouvrira grand ses bras

et ce

même si à ton actif

tu as

500 morts

de mécréants.


(Au fait

victime

partie civile :

si tu es de ceux

décidés à se battre

d’une manière ou d’une autre

tu dois cacher cela

au Fonds de garantie

sinon il ne te donnera

pas d’argent.

Il n’en donne

qu’aux plus découragés.

Il n’encourage pas

la résilience.

Plus tu montres des signes

de combativité

et moins il te soutiendra.

Si tu veux te battre

mens-lui

mime le moribond

car tu as

absolument

besoin de cet argent

– nerf indispensable

de la Sainte guerre

que tu vas livrer.)



PSAUME DES EXPERTS


Les experts

nous exaspèrent

(les médecins plus que les autres,

étrange).

Il m’est nécessaire

avant le verdict

de leur en mettre

une toute dernière couche.

Après,

promis,

nous laisserons sécher

pour les siècles des siècles.


Au cabinet

ils disaient :

ma pauv’ dame

vot’ cadav ‘

siou voulez

une fois qu’vous avez r’tiré

vot’cerveau

vous l’pesez tout ça

après bah

c’est comme du beurre mou

hein

eh oui eh oui

alors hein

comment que vous le r’mettez

dans vot' crâne

hein

ma pauv’ dame ?

Z’avez déjà mangé du foie

non ?

Ah bah non bah non.

Bien sûr qu’on prélève

sauf si les familles

s’opposent de trop

mais comme on les met pas au courant !

Juifs et Musulmans

par cont’

on évite hein

ils font toujours des problèmes.


À la barre

nos experts

débordent de critères

protocolaires

procéduraux.

Beaux

brillants

indulgents.

Leurs cheveux gris

sont bien peignés

sur le côté.

La Justice

pour eux,

l’éthique

l’humain

c’est du sérieux.

Hé hé.

Ils sont les seuls

hiérarchiquement

supérieurs à la cour

mais leur sourire montre

qu’ils acceptent généreusement

de jouer le jeu

d’être en dessous du président

et de fait

lui parlent

poliment

gentiment.

Pendant qu’ils déposent,

le Parquet

avec sa propre cire,

prend soin de leurs souliers

(ouh qu’il n’aime pas

lire cela

mais l’on pratique

à Ça passe crème

un autre usage

du concept de

balance.)


Personne n’a jamais de troubles.

Déféquer par-terre

pisser sur sa femme

poignarder les peluches de ses enfants

c’est spectaculaire

mais ça ne fait pas

un malade mental.

Tant mieux :

pour tous nos accusés,

aucune contre-indication

à la pratique de l’incarcération

pour association de malfaiteurs

en vue d’une entreprise terroriste ».

« QUOI ?

Des centaines de procès

Monsieur le Président

(vous pouvez voir ça

à mon sourire de vieil habitué)

et c’est seulement la cinq

sixième fois peut-être

qu’un avocat OSE

me demander

combien dure

une de mes expertises !

Je m’insurge !

j’ignore

combien de temps elle dure

mais en tout cas :

le temps qu’il faut.

Nécessaire.

J’ai été formé.

Je suis spécialiste.

J’ai passé des concours.

J’ai une immense expérience.

Et l’on me met en doute ! »



JINGLE COUPE DU MONDE


L’on la boycote,

hein.

L’on n’était pas supposé

être le seul.

Mais cela m’est facile :

le peuple n'a pas la chance

d’être absorbé

dans un procès antiterroriste.



COMPLAINTE DE LA SEÑORITA


Señorita

ta petite sœur

de trois ans de plus

en ce moment même

passe l’aspirateur

en chantant

tu vois,

il se passe des choses

nous ne sommes pas

figés.


Mais ma fille

parfois

tu dois le savoir :

tu me les brises

menu menu

avec tes exigences

tes barres de plus en plus hautes

ces perches

que tu tends

à ma Vilénie.

(Aha

private joke with you

et qui comprend)


Puisque personne même ne daigna

instrumentaliser ta mort

ou à peine quelques jours

je dois bien m’en charger moi-même

trouvant le meilleur des escients.


Tu fais chier Señorita

ta mort de loose

ne me fait même pas vendre de livres.

Tu exagères.

Tu pourrais bien me donner ça

hein.

Il ne t’en coûterait rien.

Juste une petite manette

à pousser

là-haut

sur tes saints pupitres,

et hop, pour ton père :

quelque succès littéraire

immense et facile

hautement rémunérateur !

Plutôt que de l’obliger à sculpter

phrase après phrase

à la sueur de son front

cette œuvre

en marbre de loose.


Ne mettras donc sur ma route

que des Stéphane Carlier ?

Ou ce pitre de Wilson

qui m’envoie écrire des livres

nécessitant l’apprentissage

d’une langue étrangère ?

Mais jamais un Hanouna !

Jamais un Chaouche

un Busnel

qui me mettrait dans sa vitrine

– et je n’aurais plus qu’à attendre

les virements ?


Non, me voilà

obligé de dire des choses

dures

montrer des angles

drôles

balancer des coups d’éclairage

cruels

transverses

inattendus

toujours à la limite

du lynchage

au service du plus grand

en toute humilité.


Dépit.


Vous n’imaginez même pas

ce que la Señorita

me demande de répondre

à qui me ferait reproche

d’instrumentaliser sa mort

pour la gloire et l’argent.

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