Thierry Vimal
LE POINT LE PLUS IMPORTANT
Ô Ministère public
PNAT
Parquet national antiterroriste
toi que la Nation désigna
pour substituer ici-bas
les petites gens
rudoyées si fort
que leurs propres intérêts
de justiciables
ne sauraient leur être confiés.
Ont-elles compris si tu étais
avec
ou contre elles ?
Bien sûr !
Mais il leur arrive de douter
vois-tu,
quand par exemple,
tu prends leur avocat à partie.
D'abord, j'ai une question.
J’imagine bien que vous trois du Parquet
comme les six de la cour
êtes contre
la peine de mort.
Toutefois
la première fois qu’on revêt
la robe rouge
ou que l’on requiert
au Palais de la Cité…
Si farouchement opposé qu’on soit
à l’ancienne peine capitale
n’est-on pas
un instant
quelque peu…
déçu ?
Un sentiment de tristesse
qui sonnerait comme
« J’étais contre
mais
maintenant que je le porte
je sens combien
le prestige de cet habit
est déchu.
Il en deviendrait presque…
folklorique. »
?
Avant 1981
pas davantage
vous n’auriez requis
la peine de mort
contre nos lascars niçois.
Personne ici
ne doit être jugé ou condamné
comme un assassin
avez-vous justement statué.
Ce devait être quelque chose
le peuple qui réclame
se lève
acclame
brandit le poing.
Il bouillonne
jusqu’à certain matin
où soudain
il se calme.
Exécution.
La catharsis survenait-elle
juste avant
ou juste après
la course verticale de la lame
dans ses glissières ?
(J’ai ressenti ces choses
à Béziers
le jour où j’ai vu trois taureaux
mourir dans une arène.
Après,
dans la rue,
quelle que fût l’alcoolémie ambiante
personne n’avait envie d'en découdre.)
À ce qu’on m’a décrit
– et je le crois –
l’exécution en grande pompe
du Bouhlel de toutes nos attentions
nous aurait fait bander mou
mouiller sec –
tellement désappointés
des effets du résultat.
N’est pas assassin qui veut.
L’acte de mise à mort du coupable
est vain sur les victimes.
Mais elles ne le découvrent qu’après.
L’acte n’est efficace
que sur la foule.
Il existe pour lui rappeler
qu’il vaut mieux se tenir à carreau
car la France
si telle est sa décision
te fait monter sur l’échafaud.
La peine de mort
existe aussi
pour l’envoûtement
la magie cérémonielle
purificatrice
un peu comme si c’était
l’État lui-même
qui diffusait dans les foyers
via France Télévisions
les images de daesh-décapitation.
La peine de mort
fait bander dur
mouiller dru
ceux qui désirent la vengeance
plutôt que la justice.
Ceux qui aiment à voir lavés
les affronts faits à d’autres
dans un sang…
peu importe lequel.
Le plus proche ira très bien.
Pourquoi
cette digression peine de mort ?
Approche ton oreille,
qu’en son creux
je chuchote ma réponse.
Depuis quelques jours :
expérience singulière.
Jamais
depuis la bitteroise corrida
je n’avais été aussi proche
de la peine de mort.
Comme si je pouvais toucher
la texture de sa peau
sentir son odeur
de taureau énervé.
Car… Ministère public...
ce petit peuple
Tu l’entendrais
gronder
derrière
au fond de la salle Acropolis.
A croire
cher Ministère public
que
depuis que tu n’as requis
que quinze ans de peine,
la tête qu’il désirait le plus
était devenue
la tienne.
N'aie pas peur :
depuis,
la Défense
a enfoncé le clou
comme dans les pieds
du prophète chrétien.
Arefa ? Chafroud ? Ghraieb ?
Ni acquittement
ni même 15 ans
mais l’échafaud !
Henaj, dix ans ?
Peloton d’exécution, oui !
Mardi soir
au pied des marches !
(avant le champagne
aux Deux-Palais).
Pour Leda, s’il te plaît Ministère,
– et là, c’est une demande personnelle –
pas cinq ans, mais
le bûcher !
Elle ferait des flammes vertes
tout en nous maudissant
pour sept générations !
Ou bien peut-être
ne brûlerait-elle pas :
elle s’enfuirait dans les airs
battant d’ailes de chauve-souris
dans un rire
merveilleusement fou.
Les deux jeunes Albanais,
non point 3 ans :
qu’on les vende
à Wagner !
Dilemme.
Mesdames et monsieur du PNAT
Faire
ne pas faire
tomber
la qualification terroriste
de cette affaire ?
C’était un fou,
son acte, un délire personnel,
il n’y a jamais eu
la moindre entente
préalable
terroristique
entre lui et nos accusés.
Jamais nous ne serons certains.
C’est la vie,
là est la limite de la justice des Hommes.
Tuerie de masse ? aucun doute.
Attentat terroriste : oui
(article 421)
la définition juridique française
n'impose pas d’aspect politique
ni idéologique.
Armes ?
Il recherche le camion
le plus lourd
le plus puissant.
Dimanche 4 juillet
le 20 mètres-cubes de chez ADA
(pas l'agence de Tunisie)
est ridicule.
Qu’est-ce qu’il pourrait foutre
notre Momo
avec une merde pareille ?
Il en tue quoi ? Vingt ?
Trente ?
Ça ne fait pas l’affaire.
(Ça l’aurait bien faite
pour les familles
à partir du numéro 31)
Il poursuit ses recherches,
chez Hertz et partout.
Il trouve !
Qu’il ait crié
pas crié
Allahu Akbar
n’est pas un critère
pour une saisine.
Revendication : opportuniste.
(Deux gars paraît-il
– j’ignorais –
en vidéo
rendent hommage à notre Bouhlelle
avant que de décapiter des mécréants.)
Attentat ni Projeté
ni Soutenu.
MLB est pile
dans l’Inspiré,
pigeon de propagande –
le camion est de longue date
un moyen préconisé
dans les mortifères
tutos islamistes.
« Oui,
mesdames et monsieur de la Cour
il s’intéressait
à la politique
à la situation en Syrie,
au terrorisme,
au djihad.
Il y adhérait, oui !
Et déjà anciennement.
Non, ce n’était pas
comme on l’a dit
un camion fou ! »
(
Camarade journaliste
viens deux secondes
là-bas
en tête à tête
près des WC chimiques
glacés
puants
mais pas trop sales
d’Acropolis.
Causons
de tes figures de style
vite cogitées
massivement balancées
reprises à l’envi
par les confrères
et les victimes
car les gens,
surtout parties civiles
manquant de mots
reprennent ceux qu’on leur sert.
Camion fou
Image marquante à deux balles
que voici à présent
au cœur du procès,
contondant projectile
qu’on voit voler par-dessus la barre…
Ah c’est malin !
)
Mais tout cela
ces crimes
ces préméditations
pour un Parquet aguerri
rompu à toutes les crapuleries
c’est du quotidien.
Sérieux certes
grave certes
mais quotidien.
Passons à son exceptionnel.
Les autopsies
en principe
sont du registre du quotidien.
Mais pas à Prom14.
« Sachez, parties civiles
que les autopsies
on ne peut pas s’en passer.
C’est dur pour vous,
mais indispensable. »
Avons-nous demandé
l’abolition de l’autopsie ?
Relire mes courriers
mais là comme ça
j’m’en souviens pas
madame l’avocate générale.
En revanche
ce dont je me souviens
car c’est arrivé mille fois
devant des avocats
des experts
des journalistes
des fonctionnaires
c’est de n’avoir pas été écouté
attentivement
ni jusqu’au bout
et in fine donc
m’être retrouvé
caricaturé
(du fait que
sans doute
nous autres victimes
logées toutes à la même enseigne
répétons
inlassablement
les mêmes choses
que donc à force
vous connaissez déjà
par cœur.)
« À Nice,
nous réapprend-on,
car on se veut d'abord pédagogique,
les critères autopsiques
furent choisis
pour limiter le nombre d’élus.
Normalement,
au regard de la loi,
tout le monde doit être autopsié.
(D’ailleurs, le professeur Quatrehomme
qui avait bien compris
que c’était son moment,
l’apothéose de sa carrière finissante
(vous ai-je raconté
qu’on distribue
à l’école de médecine de Nice
un fascicule sur l'éthique
dont il est l’auteur ?)
se fit livrer assez de tables
assez de confrères
pour autopsier
tout le monde en deux heures.
(Mince, seulement 15 ?
Vous êtes sûr ?
Parce qu’on peut performer, hein.
On a de quoi les faire tous et…
Non ? Vraiment ?)
Excès de zèle.
L’expression est tombée
toute de pléonasme et de regret
des lèvres du procureur Molins.
Quatrehomme et son IML en ont fait trop.
Au PNAT
on comprend la déception des victimes :
pas une seule excuse
formulée
par la médecine légale.
"Cela aurait pu apaiser.
Vraiment."
Il fallait
nous présenter ses excuses.
(Même si, dès qu’on nuance,
note le Parquet,
on s’aperçoit clairement
qu’il n’avait aucune raison
de s'excuser :
perte de repères professionnels
situation de crise inédite,
le pauvre et brave
et dévoué Quatrehomme
endossa jusqu’au bout
son rôle de chef
en couvrant son équipe
(qui trouva normal
d’effectuer ces prélèvements
massifs
de cœurs et d’encéphales
PAS POUR DES GREFFES.)
Et d’ailleurs
il semble à madame du Parquet
que Quatrehomme
du bout des lèvres
a concédé quelque chose.
Oui, elle en est presque sûre.
Hélas
nous n’aurons pas accès
aux archives
pour rechercher ce
quelque chose.
"Et puis il y eut ce lapsus
tellement parlant
de Maître Le Roy
qui parla au professeur
de son
interrogatoire."
Tu m’étonnes,
que c’était à un interrogatoire !
Et l’on n’attendait rien d’autre
de la part de Master the King !
Rapport donc aux prélèvements,
l’ultime soutien du Parquet
sera corporate
bienveillant pour notre légiste
dévoué aux réquisitions du PNAT.
« Quant au défaut d’information aux familles..."
– à ma connaissance
trois familles
toutes étrangères
et n’assistant pas aux débats
n’ont pas encore été averties.
« Oui nous avons failli !
Évidemment
que ça aurait dû se passer autrement.
Que c’était insupportable
pour les familles.
Que cela engendre de la défiance.
Qu’au-delà de la question légale
nous avons failli humainement.
Nous imaginons le choc. »
Ils sont désolés,
c’est irréparable,
notre colère est légitime.
Quand on choisit le parquet,
c’est qu’on est animé
par un esprit de justice.
(La Défense
nous le verrons
n’apprécia point
cette nationalisation
de l’esprit de justice)
C’est un terrible échec
que le ministère public ait pu
comme ce fut dit à la barre
broyer des gens.
Les mots étaient enfin lâchés.
J’en connais qui pleurèrent.
Toutefois le Parquet
ici encore
tient à
contextualiser.
Les collègues présents à Nice
ceux en cellule de crise à Paris
étaient
à fond la caisse.
Sans dormir.
De plus :
Merdages
au lendemain du 13 novembre :
identification
restitution
opérations de médecine légale.
Retours d’expérience :
ils ne voulaient plus commettre d’erreurs.
Ils n’ont pas tout à fait réussi.
« Nous sommes passés à côté d’autres choses. »
Je préfère ma formulation.
Elle s’en tiendra là
madame la Proc
pour la contextualisation :
la suite en serait
pour nous
trop inaudible.
Je l’aurais bien audiblée tout de même.
Mention ne sera pas refaite
me semble-t-il
de la seule victime blessée par balle.
Gageons que le PNAT aura voulu s’abstenir
d’à nouveau se fâcher tout rouge !
Rappelons que certains
avaient eu l'outrecuidance de demander
pourquoi l’on n’avait pas su établir
si la balle perdue
était policière ou terroriste.
Au scanner
ils cherchèrent des projectiles
dans le corps des 84 victimes décédées
et sans doute aussi
de quelques survivantes.
Et la seule, l'unique balle trouvée,
retirée d’un survivant
on la jette à la poubelle !
Sans analyse
sans identification
sans scellés !
C’est ballot !
Mais le point le plus important
– expression du PNAT,
pas celle de Ça passe crème
(y en a-t-il encore
qui n’ont pas compris
cet intitulé ?)
quel est-il ?
Le point le plus important
et peut-être le seul
de tout ce procès
qui vaille toute la rage
et engage la pugnacité d'un PNAT
c’est celui où on l’attaqua
frontalement.
Trois fois au moins
qu’il y revient !
Et de lui-même !
Mais il y a de quoi être en colère !
Bien plus qu’à l’égard d’un Arefa
qui après tout
lui
sagement
reste dans le rôle de méchant
qui est le sien.
Non !
On ne peut pas laisser dire
qu’un policier décédé
a bénéficié d’un traitement de faveur
devant la médecine légale !
On se lève !
On serre le poing !
On hurle d'une rage vraie !
On sort de la routine !
Le point le plus important
de ces trois mois et demi de procès
de ces six années d’Instruction
et de toute cette abominable affaire :
c'est que NON !
le policier non autopsié
n’a pas été gracié
parce qu’il était policier
mais parce que
du fait qu'il était policier
on disposait d'informations sur lui
qui le firent échapper
à l’autopsie.
Énumération de policiers autopsiés
dans d’autres affaires.
Bon bah ça va
ok ok ok
calmez-vous Madame,
on a compris votre point de vue.
Et sinon, vous connaissez bien Nice ?
La Défense
peut déglinguer les Parquets
faire sauter toutes leurs lattes :
elle y est habilitée.
Ça s'fait.
Pas moi.
Moi ça s'fait pas
J’espère qu’on ne me punira pas
en ralentissant ma demande
de test ADN
qui décidément
traîne.