Thierry Vimal
JE NE PARLERAI QU'EN L'ABSENCE DE MON AVOCAT
Pour les avocats (GG !)
des parties civiles,
le plan était le suivant :
commencer par le réquisitoire
– chronique dézinguante –
Puis
second temps
chronique reconnaissante.
Ce plan est maintenu.
Toutefois,
à la lumière d’alertes
lancées par mes infiltrés à Paris
(l’on est à Nice)
un préambule s’avère nécessaire.
On me raconte que mon avouée
Master the King
fut ce matin
effroyablement molestée
par ses confrères et consœurs
(tirage de cheveux en pleine plaidoirie
croche-pied en salle des pas-perdus
rat crevé dans le cartable.)
Qu’il soit précisé
qu’en aucune manière
pour Ça passe crème,
l’on ne consulte
ni même informe
Master The King.
(Comme si l’on avait les moyens
pour son activité
de chroniqueur à 250 lecteurs
d'écrivain à 2000
de se payer les services
d’une Master the King.
L’on aimerait bien !)
Cette mise au point faite
voici donc la promise chronique
de gratitude
d’admiration
à l’égard du travail
des avocats de parties civiles
du procès Prom14.
(Oui, petit nom entériné :
on a décidé
de braver le ridicule
faire comme les grands.)
Cette chronique de gratitude
hélas
démarre elle-même
par un indispensable préambule
qui, de fait,
sera notre second.
Que voulez-vous ?
déjà,
de nouveaux griefs
étaient apparus
à l’avant-dernière audience.
Premier ?
La consœur
tuée dans l’attentat.
Sur elle et sa maman
le salut et la paix.
Elle n’est pas si infondée
cette tradition
chez la gent de robe
(comme chez celle de médecine
et d’autres corporations
sans doute encore)
de laisser aux collègues
le soin de prendre soin
des affaires de ses proches.
L’émotion,
trop vive
débordante
bien souvent fait dire
ou faire
n’importe quoi
ou tout au moins commettre
petites erreurs
maladresses.
Était-ce faire honneur
à la robe de Maître Bellazouz
que de la proclamer
plus importante victime décédée
du 14 juillet 2016 ?
A Acropolis
le public
ému et concerné au début
sembla quelque peu
perdre ses repères
s’agacer qui sait ?
devant la longueur
le niveau de détail
de douleur
de la plaidoirie.
Les applaudissements finaux
furent pour le moins
mitigés.
(Toutefois
pas une seule partie civile
ne quitta la salle
en soupirant.)
N’en prenez pas ombrage
Maître amie-de-Myriam
en aucune manière
vous n’avez déshonoré votre amie.
Je pointe seulement
un problème de justesse.
(Inutile de venir m’expliquer
combien il est difficile
ingrat
de viser la justesse
quand on est impliqué,
combien il est cruel
de donner de soi
de son temps
de ses mots
pour louer les uns
et se retrouver
rabroué par les autres.)
Moi-même j’entendis
pas plus tard que ce matin
une autre de vos rangs
déplorer qu’à Nice
"personne n’ait pris la plume
pour écrire un
Vous n’aurez pas ma haine."
J’en ressentis même
cette haine
que je surnomme
en mon for intérieur
pulsion camion.
Le second problème
qu’il nous faut traiter
avant de louer la robe
nous vient d’un personnage
aux yeux de cendre
hérités de Jean-Luc Lahaye
à la chevelure manga
d’Eren de Shingeki no Kyojin.
Lui ne sort
son équipement tridimensionnel
que pour les audiences
de grande audience.
Hollande, Estrosi,
ouvertures et fermetures
de séquences.
Quand la presse est là
lui aussi.
Ses mots tonnent !
Les murs du palais
résonnent
comme les frappes en Syrie
qu’il aime à évoquer.
Manipulations politiciennes
trafics d’influence hiérarchiques
« Acquittons les méchants
au nom de la Conspiration »
dont la seule évocation
fait frémir les échines
des belles danseuses rêveuses
followeuses
que la révolution rend nerveuses.
Il s’en prit à notre Raviot
à qui nous voulons tant de bien
et dont les détracteurs
jusqu’à présent
n’ont réussi qu’à pointer
le fait qu’il n’était pas
absolument parfait
en disant
Faliconn’.
Eren Lahaye
nous défend
par-delà notre demande :
il sert le plus grand
le plus noble.
Comme…
Comme qui, tiens ?
Ce plus grand qu’il sert
c’est lui,
et tellement mal.
Ses collègues le connaissent
tel qu’il veut se montrer
mais ont-ils cherché à savoir
d’où lui venaient ses joies
et quel était ce désespoir
caché au fond de lui ?
Mais même ce lascar,
voyez,
eut son moment réussi :
une belle question
sur le pardon.
S’il ne nous servit qu’à ça
c’était déjà ça.
À présent,
enfin,
nous y voici
aux louanges et remerciements !
Je n’ai pas nommé
les avocats incriminés
je ne nommerai pas non plus
les gratifiés.
Sachez que la plupart
ont un pied dans chaque groupe.
Master the King
sera citée
tout de même
– la nôtre –
elle qu’on souhaita
ne jamais tutoyer
– elle nous fit plier
dès le jour II du procès.
Elle fut efficace
opiniâtre
alignée
devant la médecine légale
la mairie de Nice
la cour
le parquet
ses clients
et leur entourage.
Elle triompha
et nous avec.
Au passage
mi novembre
petite salle voisine de la nôtre
– aile de pigeon –
elle nous envoya valdinguer
un salopard de violeur
douze ans en cabane.
Il m’en revient tant d’autres.
L’aura enragée
d’un frère drôle et lyrique
d’une sœur linguiste
déterminée
généreuse, oui,
saladine, oui,
debout sur sa monture
le sabre en main.
Telle autre,
reprenant Nissa la Bella
en version Heavy Metal
(restera-t-elle plaider
pour le Mediator ?)
Tous qui asticotèrent
accusés
témoins
experts
dont l’exaspération
le dépit
au bout de leur life for Nice
portèrent les nôtres au débat.
Celles et ceux PARDI
qui lurent
et complimentèrent
et tweetèrent
et même citèrent à la barre
Ça passe crème
ou mes livres.
Celles et ceux
avec qui il fit bon échanger
impressions et plaisanteries
près de la machine à café
ou entre deux tables
dans l’escalier des toilettes
des Deux-Palais.
Mesdames et messieurs
avocats des parties civiles
ce matin
c’est avec une grande noblesse
que vous sertîtes la clôture
du temps de parole des victimes.
La toute dernière séquence
fut magnifique.
Vous citâtes Carrère
(et Vimal)
déglinguâtes Estrosi
mîtes en exergue
le futur
les grands caps à passer
soulevés par les peines
des victimes du 14 juillet 2016
qui ont soif
de servir à quelque chose.
Vous sûtes dire
combien la fin de ce procès
le silence de Raviot
nous pèserait
combien tous
vous nous manqueriez.
Vous aussi oui
vous nous manquerez.
Merci Maître
qui en dernier
parlâtes
pour votre profession.
Fin absolument
globale
exhaustive
revendicative
puissante et universelle.
Merci Maîtres
et vos consœurs au bord des larmes
qui vinrent enfin
avec douceur
pudeur
respect
amour
intelligence
poser
laisser résonner
pour tout derniers mots
ceux des victimes
de l’attentat du 14 juillet 2016.