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  • Photo du rédacteurThierry Vimal

ILS


Plaidoiries des avocats

(Ghost ghoster’s !)

ça sent la fin de procès.


Voilà même qu’on commence

dans les plaidoiries

à citer Ça passe crème

comme une vieille archive.

Pourvu que la Défense

ne s'y mette pas

sinon

l’on va devoir s’installer

dans une nouvelle ville.


Les anciens,

les professionnels

ont déjà

des têtes d’au revoir.

Les parties civiles,

des têtes de

Et maintenant

que vais-je faire

de tout ce temps ?

"Mais non, n’arrêtez pas !

on va faire quoi,

nous,

après,

putain ?"


Dans ces plaidoiries

nous revoyons

sous nos paupières

redéfiler en cinq secondes

tout notre procès.


Vendredi 25 novembre

celles du matin

s’intitulent :

L’Enfant victime blessé

Les familles dynamitées

La solitude

Les victimes psychologiques.

On nous rappelle

moult témoignages

de parties civiles.

Voilà qui me fait penser

que je les avais oubliés dans un coin

du dossier Chroniques en projet.

Qui ça, les ?

Mais... ILS, tiens !

ILS !


Souvenez-vous de ce policier

qui ne put se porter au secours d'une victime

qui clignait des yeux

pour montrer qu’elle n’était pas morte.

La formation Tuerie de masse est formelle :

son devoir était d’avancer

doucement

arme au poing

vers la porte du camion

entrouverte

afin de repousser

l’attaque de ILS.


ILS :

les nombreux terroristes

qui surgirent du camion

quand il fut immobile

et s’ouvrit à l’arrière.


Avec leurs fusils d'assaut

ILS se mirent

à canarder la foule.

ILS rajoutèrent

des centaines de mort

à l’addition déjà terrible.


Pour échapper

à leurs armes longue-portée

les gens fuirent pieds-nus

jusqu’au Mont-Chauve

ou à la nage

jusqu'à l’Île-Rousse.


Le commando islamiste

cagoulé

ignoble et déterminé

mitraillait

sans distinction d’âge

ni de couleur

ni de sociologie.


À la barre

les parties-civiles

qui réussirent à leur échapper

nous racontent :

elles ne les oublieront jamais.

Elles ne virent pas leur visage

ni leurs kalachnikov

mais elles eurent si peur

qu’ILS restent dans leur mémoire

à jamais gravés

dans les rêves

de tous leurs sommeils.


Camille eut si peur d’ILS,

qu’elle mit sa fille

devant elle

pour que la petite

meure en premier.

Elle ne pouvait pas

la laisser seule

sur la plage

pieds nus dans les galets

traquée par ILS.

(D’avoir un jour trouvé un ver

dans sa pomme

dit Julia,

c’est le deuxième pire souvenir de sa vie

après l’attentat.)


Sandrine a été poursuivie

par ILS.

ILS tiraient sur tout ce qui bouge.

Elle raconte en détail.

(Pour un rescapé

du 14 juillet 2016

chaque seconde de réalité

nécessite trois minutes de description.)

Sandrine ne sait pas trop

pourquoi elle a sauté sur la plage.

Quelqu’un a crié camion !

Elle n’a rien vu

mais suivi le mouvement.


Ensuite, après avoir compris,

elle a cherché

comme tous les autres

à se cacher

pour échapper à ILS.

Car ILS descendraient sur la plage.

Dès qu’ILS en auraient fini en haut.

ILS voulaient tuer tout le monde.

Aucun survivant !

Restons ici.

Ne bougeons pas.

ILS arrivent.

ILS vont nous trouver.

Plus un bruit…

ILS semblent partis.

Ou non ?

Et si… ILS faisaient semblant ?

S’ ILS étaient juste là ?

ILS vont nous tuer, tous.

Nous sommes foutus.

SMS, je vous aime.


Allez, on tente :

remonter sur la Prom.

Doucement,

l’escalier.

Ça va, venez.

ILS sont partis.

Ohé ! Pompiers !

"Oui Monsieur le Président

quand je suis remontée

j'ai été si soulagée :

ILS n'étaient plus là."


ILS n’étaient plus là,

en effet,

ILS s’étaient séparés.

Certains étaient allés

dans le vieux Nice

lancer des grenades.

D’autres rue Jean-Médecin

d’autres dirigèrent leurs pas

vers Rauba Capeù.


ILS prirent des otages

dans un restaurant

de la place Massena.


Moi-même

et Petite-sœur

les avons entraperçus

tandis que nous approchions

de la Prom’.

De pauvres gens

nous arrivèrent à contresens,

plongèrent derrière les poubelles.

Ils essayaient d’échapper

à ILS.

Nous avons fait

dare-dare

demi-tour

hop dans la voiture

baisse-toi

putain

et Maman et Amie qui sont là-bas

avec ILS.

Mais ILS ne leur firent aucun mal

ni à nous.


Toute cette douleur

qu’ILS ont semée,

ces fractures mentales

ces balles réelles

invisibles

indélébiles.


Et pourtant

tout comme l’auteur des faits

ILS ne sont pas dans le box.


ILS sont les autres

grands absents

de ce procès.



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