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Photo du rédacteurThierry Vimal

RÉCHAUFFÉ


Dimanche soir

dur week-end pour tous

festival de pluie pour les uns

rando pédestre pour d’autres

compétition de squash

championnat inter-régionaux

de belote coinchée.

Tout le monde

fourbu moulu.


Ce soir

pas de cuisine.

Décongélation

réchauffage

d’un bon vieux ragoût

rassurez-vous

préparé maison

entre 2016 et 2019

– cuisson longue.

Ceux qui ont lu

19 tonnes

ne seront pas haïs

de choisir plutôt

des noodles picardes.

Sinon,

il y en aura pour tout le monde

– j’en fais toujours trop.


À table !

Et puis après,

au lit.


Il est question

narcissiquement

d’un père

endeuillé de frais :

naïf, idéaliste,

trop-mignon

découvrant la fonction sociale

ses privilèges,

ses inconvénients.


Ce réchauffage

est celui d’un discours

que je tins à écrire

à prononcer

pour remercier

les disciples d’Escoffier

(Auguste)

d’une généreuse invitation

d’un généreux don

à telle association

tout aussi jeune et naïve

que ledit père.

Septembre 2016,

maybe.


D’autant plus motivé étais-je,

que la soirée culinaire se donnait

sur la plage Hi Beach

où précisément

quelques semaines plus tôt

était tombée une Señorita

avec deux de ses compagnons.


Il n’est pas garanti,

leur dis-je au micro,

avant le dîner,

que ce que je m’apprête à évoquer

ouvre les appétits.

Cuisine fusion de mort

et de gastronomie.


C’était dommage,

déplorai-je :

tant de bonnes choses

gentiment préparées.

La fin serait, espérais-je,

porteuse d’espoir.

Assez pour nous donner l’envie

de nous nourrir

de déguster.


Hi Beach expliqué aux convives,

ma passion de la cuisine,

ensuite,

fut décrite.


Mes débuts, ado

avec les livres de ma mère,

La cuisine de A à Z

relié maison

Les petits plats des Troisgros

La Cuisine gourmande

selon Michel Guérard.

Pâtés en croûte

lever des filets

tourner des courgettes

et sans Youtube.


Plus tard, leur contai-je,

café littéraire

vieux Nice

menu unique

selon marché du jour.


Puis deux petites filles

bouleversent l’enjeu culinaire.

Il n’est plus celui

de la progression technique,

mais de préparer

endurant

régulier

chaque soir

des années

pour sa famille

du frais,

simple,

joyeux.


Ouvrir ses filles au goût.

Précocement.

Biberons mono-saveur

artichaut,

champignon,

poivron,

oignon,

asperge.


On ne mange pas ce qu’on aime,

on mange ce qu’il y a à manger.

Si on aime, tant mieux,

si on n’aime pas trop,

ce sera meilleur demain.

dit le père moraliste

– névrose nourricière :

héritage ancestral.


Filles grandies : ateliers !

Gâteau yaourt

incontournable

– au brassé abricot.

Sushis,

raviolis wonton,

laminoir.


Un jour

Señorita et moi

préparâmes magnifique

hachis Parmentier.

Au moment d’enfourner

elle lâcha trop tôt la porte du four

qui cogna dans le plat

qui s’écrasa par terre

tout d'éclats de verre

et de pommes de terre.

Nous pleurâmes.

Nous nous promîmes

de refaire hachis le lendemain.

Promesse fut tenue.

Remonter en selle,

tout de suite.


Après le 14 juillet,

des centaines d’amis

Sur eux le salut et la paix

prirent d’assaut

la cuisine meurtrie

pour alimenter

les forces en présence.


Un jour vint

où ces amis repartirent,

nous laissant trois.

Commandes,

commandes,

commandes.

Sushi, nourriture officielle

de l’attentat du 14 juillet 2016.

Pizzas.

Burgers.

Malgré ça :

moins 12 kilos.


Cuisiner.

Essayer.

Rouvrant mes placards :

ustensiles dispersés.

Le bel équipement,

le rangement carré

presque scientifique :

Ils ont tout remis

en dépit du bon sens.

Tout chamboulé.

Comme la vie.

Tout sortir ?

Tout remettre à sa place ?

Inutile :

le temps y pourvoira.

Casserole après casserole,

couteau après couteau,

jour après jour,

pas à pas,

l’ordre reviendra.

Et ainsi en sera-t-il

peut-être

de nos vies.


Bientôt,

la petite poêle

rattraperait sa grande sœur

en usure.

Le petit fait-tout

sera mieux placé

sur le devant du placard.

Pas assaisonner :

la saveur est taboue.

Trois pavés de cabillaud, s’il vous plaît.

Pleurer dans une poissonnerie.

Même en baissant les proportions d’un quart,

mystérieusement

assez pour quatre

sur la table.


Trois couverts.

Chacun prend le sien

va manger

où bon lui semble.



Soucieux de rouvrir les appétits

des Disciples d’Escoffier,

parallèle fut fait

entre leurs valeurs

et notre drame.


On peut transcender le temps,

la vie et la mort,

suggérai-je,

d'humeur lyrique,

à travers la transmission d’un geste,

d’un esprit,

d’une connaissance.

Un lien avec nos ancêtres,

auquel nous apportons notre propre marque,

avant que de le léguer à nos enfants

qui y laisseront la leur.


Grâce soit rendue

à tous ceux qui,

en ce monde,

transmettent.


L’aliment naît de la terre

où nos pieds s’appuient

où nos défunts reposent.

ajoutai-je.

Puis ce jour,

en plein réchauffage

assis dans un aéroport

les mots :

Pachamama.

Vénération.


À l’instar du terrorisme

déclamai-je, habité,

malbouffe est monstruosité

enfantée par notre oubli

des valeurs nourricières.


Recherchons, amis disciples

dans chaque bouchée dégustée,

la saveur de la terre

de la mer,

du geste,

du partage

de l’amitié

du moment présent !


Aujourd’hui,

plus que jamais avant,

cuisiner m’est devenu vital.

En juin 2021

j’obtins mon CAP de cuisine

– nonobstant je fis tomber,

exploser aux pieds du jury,

mon plat de gratin dauphinois

tout d'éclats de verre

et de pommes de terre.


Cette chronique est dédiée

ce soir

à Lucie Lemaire

qui aime le vin et la cuisine

et vécut la charge du camion.

À la barre

comme d’autres

Lucie prit de longues minutes

pour décrire quelques secondes.

Elle n’évoqua jamais l’attentat

jusqu'en 2018,

puis sa mère la trouva

paralysée sur le canapé.





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3 comentários


Convidado:
10 de out. de 2022

merci

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Robert Wilson
Robert Wilson
10 de out. de 2022

Sublime.

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Convidado:
09 de out. de 2022

Merci Thierry, comble du hasard ce soir on mangeait sushis.

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