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Photo du rédacteurThierry Vimal

EXPÉRIENCE COLLECTIVE ORGANIQUE

Dernière mise à jour : 7 oct. 2022

Avant-hier soir

nous faillîmes,

faillîmes,

surprendre

la Justice de France

(représentée par :

avocats (GG !),

huissier et greffiers,

magistrats,

Cour d’assises spécialement constituée –)

Nous faillîmes surprendre la Justice

en flagrant délit

d’indignité.


À la barre :

deux brésiliennes

mère et fille

domiciliées en Suisse.


Dans les cieux :

deux brésiliennes de Suisse

mère et fille.

La fille

six ans

morte

dans le même hôpital pédiatrique

que la Señorita.


Si nous suivons ce procès

– ou cette chronique –

nous savons

que la médecine légale

joua de la cisaille

pour remplir :

quarante-deux seaux

d’environ 80 kilos d’organes

dont quatorze cœurs

et autant d’encéphales

toujours stockés

dans ses réfrigérateurs.

(J’ignore si les organes

de telle autre personne

chauffeur de son état

sont conservés au même endroit.)


Furent concernés par la cisaille,

entre autres,

– se justifia la médecine légale –

tous ceux qui reçurent

vainement

assistance médicale.

(Pourquoi ? Réponse :

pour préciser

les soins prodigués,

définir

s’ils furent bien choisis,

et efficaces.

Et en effet,

sur ces défunts-là,

les rapports d’autopsies,

à la question

« stigmates de prises en charge médicale ? »

soucieux du détail

répondent :

"OUI" ou "NON".

Un OUI bien léger

pour faire valoir

les souffrances ante mortem

notamment

de deux petites filles

prises en charge vivantes

à l’hôpital pédiatrique

Lenval)


Seaux furent remplis

pour les besoins de l’enquête.

Pour ceux qui refusent de comprendre

– car l’horreur n’arrange personne –

dégainons les capitales :

LA MÉDECINE DE GREFFE

NE FUT PAS CONVIÉE

AU BRIEFING.

Je fus tenté d’écrire

conviée au festin

mais non,

justement,

celle-là ne festoie pas,

elle sauve.

Et nous eussions tous préféré

que ces dizaines d’organes

frais et sains

servent à quelque chose

plutôt qu'à rien.


Aucune famille

à ce jour

six ans plus tard

ne fut prévenue

officiellement.


Ça-se-sut,

du fait des investigations

d’une guerrière aux pieds nus

pour qui le secret

était impossible à concilier

avec la révolte.


Depuis le début du procès

trois familles

apprirent,

à six ans des faits,

que leurs obsèques

étaient incomplètes.


Je vis,

de mes yeux,

trois familles

vaguement relevées

retomber par terre.


Moi-même

déjà

je leur avais menti

par omission

cachant cette information

à telle personne

– par ailleurs qualifiée

de rubgyman.


Ce n’était pas à moi

de lui dire ça.

Bordel de merde.


Lui, pourtant, plus tard

pensa qu’il était de son devoir

d’informer telle autre famille.

Il avait raison, peut-être.

Chacun fait

en son âme et conscience.


Désormais, chaque famille sait.

Les quatorze.

Non : treize.


À la barre,

une tante,

une grand-mère

brésiliennes suisses.


La tante raconte sa sœur

sa petite nièce,

si douce,

elle pleure, pleure, pleure

Soudain les sanglots s’arrêtent

la voix devient grave,

elle raconte à nouveau

sa sœur,

sa super super petite nièce

qui n'avait pas mérité ça.

Sanglots remontent...

en boucle.


La salle, elle, tout entière

est au fait du prélèvement

des organes de la petite.

Elle écoute.

Elle attend de comprendre

si cette tante

sait

ou

ignore

l’offense rituelle

l’aube d’un nouveau combat

contre l’horreur et les ténèbres

pour la dignité de sa nièce.


Une salle entière

de cour d’Assises

fait l’expérience

de cette situation

abominable et surréaliste

que nous rencontrons

depuis quatre ans.


Si cette famille apprenait,

là maintenant,

devant tous,

la chose,

ladite salle vivrait

l’expérience jusqu’à son terme.

Vous comprenez mieux, là ?


La mamie, ne pleure pas.

Sa résistance, à elle, c’est de parler,

parler parler parler.

Elle dit tout, spontanément,

sans lire ses notes

puis prend ses notes

et redit tout.

Sourires amusés,

touchés, tendres,

dans la salle.

Pendant la nuit du 14,

à la TV, elle a vu

la bande-annonce de l’attentat.


Ensuite,

à nouveau hors notes

elle parle

de revenants.

Et nous l’imaginons

vieille dame noire

entourée de grigris

attisant un feu de sauge

murmurant dans les volutes

quelque oraison mélangée

de portugais et timbira.

La mamie s’intéresse

aux âmes

aux esprits.

Aux rites.


Elle ne sait pas, non plus.

Elles ignorent.

Tous les autres savent.

C’est flagrant.

Terrifiant.


Dégustez, amis juristes,

journalistes,

ce moment partagé

de notre réalité.

Un peu comme

lorsque nous visionnâmes

les images.


Et l’on va les laisser

ainsi,

quitter la barre,

rentrer en Suisse ?


Justice lâche !

obscène !

indigne !

La dignité des débats

est donc pacotille ?

Et celle des victimes ?

Crucifie-moi si tu veux,

Justice,

mais je ne peux pas laisser faire.

Que m’importe

que tes gendarmes

me sautent à la gorge ?

Ils ne me mettront pas

dans le box

– j’ai de la marge

pourvu que ça dure.


« Allons-y pour un peu

de dramaturgie pénale ! »

chuchoté-je au jeune Mathieu

« concerné » lui aussi,

au courant depuis deux semaines,

pour sa maman.

(Et bien emmerdé

avec ce sac de pierre

dans son cœur

et dans sa gestion familiale.)


Je vais me lever,

ostensiblement,

comme font les avocats

droit, visible,

majestueux,

inquiétant,

vice-figure de proue

du scandale des organes,

laissant penser

à tous

que je vais commettre

quelque chose d’inapproprié.


Puis emboîter le pas

de ces deux dames.

Laisser croire que

puisque personne

en cette couarde assemblée

ne va s’y coller,

moi, l’écrivain, le père endeuillé,

le père « prélevé »,

je vais faire le sale boulot

qui est aussi le plus noble,

avant que ne s’en charge

atrocément

un recommandé postal.


Lettres officielles, il y aura,

car nous dénonçâmes.

Sans quoi

c’est sûr

toute cette affaire

fût

passée crème.


À la vérité

il n'est pas temps

ni lieu

de faire cette révélation

à ces dames

épuisées de leurs paroles.

Je ne la ferai pas.

Juste, laisser croire.


Leur témoignage se termine.

On va les laisser partir.

Indignement.

Je fulmine.

Me lever.

Agir !


Et là, enfin,

enfin !

« Maître ! »

Le président Raviot interpelle

l’avocat des deux dames.


Avant-hier soir

nous faillîmes,

faillîmes,

surprendre la Justice

en flagrant délit

d’indignité.

Mais ça n’arriva pas.


Président Raviot possède

– et ce fut rapporté

dès la première chronique

in situ

le regard perçant

de frère le balbuzard.

Il partage aussi sa Sagesse

et l’élégance

et l’altitude

de son vol.


« Maître", dit-il,

ferme et discret,

– pas facile.

« La petite nièce de Madame,

vous le savez,

a été autopsiée.

Il y a donc eu

des prélèvements.

Je compte sur vous,

pour en parler à qui de droit

pour que cette question soit réglée. »


Tellement habile

intervenant

publiquement

– car ce recadrage DOIT être public,

DOIT être immédiat,

et DOIT préserver

ces deux dames.


Elles ne doivent pas comprendre.

"Pas maintenant

sinon ça va les détruire".

me dit Mathieu.


Le Président agit

magistralement

et c’est bon

qu’un magistrat

soit magistral.


Merci pour elles

Ô président Raviot

merci

pour ce pays

pour la justice

et pour toutes les victimes

psycho endeu physiques

de tous les attentats

et de tous les

pilleurs de charniers.


Merci d’avoir été

responsable

faisant ce que

la situation vous demandait.

Et d’avoir rhabillé

chacun ici

de dignité.


Jamais je ne pensais écrire, un jour,

je suis fier de la justice de mon pays.


Entre les toilettes et la sortie,

je vais voir l'avocat des dames.

Vous le faites, hein.

Et comme il faut.

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1 Comment


Guest
Oct 21, 2022

Thierry, je n'avais pas lu cette chronique. Merci à toi, ce jour-là nous étions dans la salle... et comme toi, encore une fois, avons trouvé LR magistral. Merci, FM

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