Les prélèvements d’organes
n’étaient pas pour des greffes
– le redire, inlassablement :
non, nous ne sommes pas
des salauds égoïstes.
Croyez bien que le 14 juillet 2016
nous aurions tout donné
pour sauver n’importe qui
(sauf un).
Il m’a semblé comprendre
que la victime de terrorisme
n’est pas éligible au don organes :
les siens sont trop importants
pour l’Enquête.
Si quelqu’un vérifie,
l’info m’intéresse.
À présent,
camp des parties civiles,
se lève
Master the King,
avocate de telle partie civile
par ailleurs chroniqueuse.
Le temps des questions est venu.
Molins donna ses directives
habituelles
pensant qu’à Nice
comme à Paris
l’on prélèverait quelques tissus.
La question de voir plus grand
pas une seule fois
ne fut abordée
dans leur réunion.
Tout le monde pensa que le job
normal
allait être fait.
Simplement,
tout le monde n’avait pas le même
normal.
Telle Señorita, douze ans,
décrite sur le rapport comme
femme d’une vingtaine d’années ?
"C’est une erreur ! dit Molins
je n’ose pas imaginer autre chose".
Il-ne-nous-fut-pas-dit
quelle autre chose
il n'osa pas imaginer.
Et la Rachel de mon Stéphane ?
Des stigmates d’autopsie,
et elle ne figurerait pas
dans la liste ?
Inimaginable, nous dit Molins.
Mais l’inimaginable
depuis 2016
nous l'imaginons tous les jours.
Bon, alors,
Monsieur le Procureur inimagineur,
dites-nous un peu :
pourquoi
à l’heure qu’il est
plus de six ans après les faits
les familles n’ont toujours pas été prévenues
de ces prélèvements d’organes ?
Le parquettiste Molins
découvrit les prélèvements
fin juillet 2016
lorsque secrètement
– mais pas pour lui –
au nom de l’amitié franco-américaine,
deux cerveaux
et autant de cœurs et de rates
et deux fois plus de poumons et de reins
tous scellés brisés
survolèrent l’Atlantique
retournant nicher
dans leur corps originel
it was a long way home.
Lui, déjà, était sur une autre affaire.
Il y avait aussi eu
Saint-Étienne-du-Rouvray.
Tout le monde était passé à autre chose
c’est pourquoi
l’on oublia
de prévenir les familles.
Si ce n’est pas ballot !
13 octobre 2022 :
à l’heure où j’écris ces vers
aucune information officielle
n’a encore été transmise aux familles.
Mais elles savent toutes,
désormais.
Elles ont appris
les unes des autres
ou bien compris
pendant les audiences.
Si ce n’est pas ballot !
La conclusion du Procureur
fut douce à entendre
– sans aller jusqu’aux excuses :
le puissant ne s’excuse jamais
devant le vulgaire
sinon
à quoi bon s'être donné tout ce mal
pour devenir le puissant ?
Pour la première fois,
sous nos yeux,
la Justice admit.
Il y eut des prélèvements d’organes entiers.
173.
Ils n’étaient pas tous indispensables.
60 pour-cent étaient parfaitement sains.
Ils sont allés trop vite.
Ils ont manqué de vigilance.
Quelque chose a été fait
qui ne se justifiait pas
qui engendra trop de souffrance
chez les victimes.
L’obligation légale
de les prévenir
n’a pas été respectée.
Bien sûr, précise-t-il,
solidaire,
le pauvre Quatrehomme
n’est pas à blâmer.
Bon vieux docteur
presque de campagne
carrière exemplaire
retraite méritée.
Il commit juste
un excès de zèle.
Il-ne-nous-fut-pas-dit
si la vingtaine de médecins légistes
coordonnés par l’ami Quatrehomme
– présents,
en grande partie, je suppose,
en novembre à Paris –
s’étonnèrent de l’étrange protocole.
Posèrent-ils des questions ?
Ne firent-ils que
obéir aux ordres
comme il fut dit à tel autre procès
que m'amène à citer
la loi de Godwin.
Selon Molins,
– qui n’est pas décisionnaire –
tous les organes devraient être
restitués
après analyse génétique
systématique.
Mais pas par l’IML de Nice,
dit la guerrière au pied nus.
Ils ne mettront plus
leurs sales pattes
sur ma fille.
Selon Molins
les familles méritent :
une information personnelle individualisée
des démarches facilitées
le financement des opérations.
Si qui de droit décide
de suivre les recommandations de Molins,
la victoire,
après quatre ans,
est acquise.
Mais ce n’est point elle
qui jaillit au cœur :
c’est une Señorita
qui va
enfin
être portée en terre
reposer en paix
C’est une mère qui aura
enfin
le sentiment
du devoir accompli.
Un père, itou.
Putain de dépôt de poids
Pensées aux autres familles
et à toute la mienne.
Mes larmes couleront
lourdes
jusqu’à la fin de l’audience.
L'audience est suspendue.
Pour les prélèvements, je veux :
des excuses.
Pour n’avoir jamais été informé, je veux :
amende honorable.
Pour la raison invoquée
de cette non-information
(on a oublié de nous prévenir
parce que
on était passé à autre chose)
je veux :
un million d’euros
sonnants et trébuchants.
Et pour les quatre années
de recherches
batailles
insomnies
disputes
nightmare
je laisserai faire
Master The King.
Master The King.
La SEULE, l'unique avocate
– sur elle le salut et la paix –
qui à mes requêtes
n’ait pas répondu :
Ouiiii, vous saveeez,
aller contre les services de l'Étaaat
la médecine légaaale
le proc Moliiins,
c’est compliquééé
et vous saveeez,
les autospsiiiies
les prélèvemeeeents,
ils ont le droiiiit
puis les orgaaanes
ils les ont remiiis
la loi est flouuue
et puis est-ce vraiment
si important ?
Master the King
dans le big hall
émue
répond à la presse.
Les explications du Proc,
dit-elle,
font du bien,
et mettent un terme
à beaucoup de fantasmes.
À ce sujet,
voici quelques propositions :
Fantasme...
juridique ?
Ils savaient
mais n’ont rien dit à leurs clients
pour les protéger
et parce que
aller contre les services de l'Étaaat
c'est compliquééé...
Combien de regards dédaigneux
j'ai reçu, de cette profession,
en osant évoquer
cette possibilité ?
En fin de séance,
le grand Président Raviot
fit observer que
mathématiquement
des avocats avaient su
et rien dit.
germanopratin ?
Louer les organes des morts
à l’industrie automobile
pour des crash tests ?
Les récupérer ensuite ?
Les laisser putréfiés
se faire bouffer par les rats ?
Jouer au football avec des têtes ?
Mais allons !
ça n’est possible
que dans une grande université
parisienne !
anticapitaliste ?
Ils les vendent
à la R&D cosmétique
ou à la recherche
en chirurgie plastique.
C’est trop rare
un utérus de gamine.
Ça coûte une fortune,
mais quel placement d’avenir
pour développer les techniques
de vulvoplastie esthétique
pédiatrique
que nous comptons proposer
– assorties d'un marketing agressif –
dans notre catalogue 2038.
Matrix ?
Lorsque furent ouvertes les portes
des réfrigérateurs de l’IML de Nice
l’on découvrit un immense
entrepôt.
À perte de vue, des alvéoles
bouillonnaient
de liquide physiologique.
Dans chacune baignait
un cerveau
et un pack d’organes
reconnectés.
Et tous travaillaient
à produire
quelque mystérieuse énergie
en mesure de réfrigérer
des stades au Qatar.
complotiste ?
Des sectes maléfiques
vouées à Belzébuth
achètent à prix d'or
des organes humains.
Ceux d'enfants assassinés
valent des fortunes.
Sachez-le,
des gens puissants,
riches
– médecins, avocats
hauts fonctionnaires
magistrats
élus –
en mangent
en boivent
en fument
lors des célébrations obscures
qu’ils tiennent
dans l’appartement
juste en dessous du vôtre.
Assez ri, à présent.
Nous venons d'apprendre
hier
que certains organes
ont été détruits.
Météo maussade.
Risques de meurtres passagers.
Attente d'informations.
Encore.
Réponse arrivée.
"Ça va." Pour toutes les familles.
Que d'ignominie ! Je suis favorable au prélèvement d'organes mais ces conditions sont innaceptables et vont à l'encontre de ce que je prône.
Je suis favorable à la transmission de la vie, que le souffle de ceux que j'aime, le mien soit le signe du renouveau pour un autre. Que mon cœur permette à un autre de courir,sauter, aimer est mon souhait le plus cher. Est à ma manière continuer de vivre égoïstement, peut être. Mais si ces, mes, organes sont destinés à un autre usage alors c'est non!!
Master The King brillait après avoir obtenu les mots du Proc « excès de zèle » et « ne se justifiaient pas » concernant les prélèvements entiers… et les claps de la fin venaient sûrement de la « guerrière aux pieds nus »👍
"des organes ont été détruits" ... la chute de votre chronique, une fois encore, me fait monter les larmes aux yeux.
Bon courage à vous tous, vous avez déjà beaucoup oeuvré pour que ces pratiques cessent.
Bravo !