La journée du 10 octobre 2022
au procès de l’attentat de Nice
fut si dense
qu’elle fera l’objet de deux chroniques
elles-mêmes
divisées en deux.
Désolé,
– aussi pour le pléonasme :
excès de zèle.
L’on s’était habitué
sur les bancs
au pilonnage de nos cœurs
et centres émotionnels.
Tout à coup
sans aucune alerte
ni préparation
l’on nous asséna
en une journée
500 gigaoctets d’informations techniques
dont 400
issues d’un disque dur
nommé Cazeneuve Bernard
– Casanova Bernardo :
moins beau que le premier
infiniment plus bavard que le second.
Des deux choses décisives
qui se produisirent ce jour,
voyons la première
– audition du procureur Molins,
star des parquettistes antiterroristes
Merci à lui
de m’avoir appris ce mot
si plaisant.
J’ai bien envie d’en faire
ce jour
usage répété.
MOLINS !
Ce nom un jour
tomba du ciel de 2016
sur nos pauvres familles.
Verrions-nous les corps de nos proches ?
Faut voir Molins.
Les vivants pourraient-ils saluer leurs défunts ?
Cela dépendait de
la décision du procureur Molins.
« Je veux ma fille ! »
Il manque
la signature du procureur Molins.
Cet inconnu
était un Dieu
et faible que j’étais
je le priai avec ferveur
respect
tous ces soirs fous
déployant mes mains
ouvertes de douleur
en direction des cieux
suppliant que sa sainte volonté
telle une flamme guérisseuse
descende sur le corps de ma Señorita
vînt la délivrer
des serres et du bec crochu
de l’Institut médicolégal.
Plus tard,
après les temps de sidération,
nous découvrîmes que ce Molins
était du peuple des mortels,
le nôtre,
ceux-qui-marchent-debout.
L’immense Molins
l’homme dont la signature
faisait bouger les morts,
avant-hier,
se tenait devant moi.
Il parlait.
NOUS l’avions fait venir.
Il allait NOUS répondre.
A cette même barre,
le professeur Quatrehomme
frénétique découpeur d’organes
– préférence nette
aux pièces saines
et juvéniles –
nous expliqua n’avoir fait qu’obéir
aux réquisitions de saint Molins
– lesquelles préconisaient
de prélever organes et viscères
en cas de nécessité.
Nécessité il y eut,
apparemment.
Molins l’humain
possède l’allure, les lunettes
et le vocabulaire soignés
des grands parquettistes.
Tout n’a pas été parfait.
dit-il,
mal à l’aise.
Mais presque, devine-t-on.
Son long exposé
sur la menace terroriste
clair et précis
intéressant
sera peut-être traité par ailleurs.
Aujourd’hui :
organes,
direct
– il y a du travail.
Retrouvons notre homme à Nice
le 15 juillet 2016 au matin.
Quatre magistrats parisiens
avatars de Molins
ont déjà été
durant la nuit
projetés.
C’est-à-dire, supposé-je,
lancés sud-est par une catapulte géante
depuis la pointe de l’Île de la Cité
Super-héros
l’habit rouge flottant au dos
le cou blotti dans l'hermine
– ce soir de juillet
même sur la Côte d’Azur
il fait froid.
Après 1h10 de vol
Plouf plouf plouf plouf
quatre capsules amerrissent
dans la Méditerranée
Plage Hi Beach.
Deux restèrent sur place,
deux,
tels des poissons colonisant la terre
grimpèrent les galets
s’en allant coordonner
la prise en charge.
Se tenaient aussi là
Trente magistrats
dix greffiers
et combien d’experts
de combien de choses ?
Une sorte d’état-major militaire
nous décrit Molins,
avec des ateliers :
enquête, victimes,
LUV (liste unique des victimes).
L’auteur est identifié dans la nuit.
Les investigations commencent
pour trouver des complicités.
Il est 5 heures,
l’identification des victimes
s’éveille,
elle a pour nom
protocole UPIVC.
Il est difficile
dit Molins
dignement
d’enlever des morts aux parents
qui les ont veillés toute la nuit.
assis par-terre dans le sang.
Par respect pour la ville.
le Parquet de Nice
et son procureur Prêtre
ne compteront pas pour du beurre.
A midi, le vrai Molins
est sur la Prom.
Il n’y a presque plus de corps.
Il voit
un vélo d’enfant écrabouillé.
Le 16,
début d’après-midi,
Daesh revendique.
Terrorisme inspiré*
*voir citron mécanique
Revendication d’opportunité :
Daesh n’est plus un créateur
c’est un label.
L’État islamique décline,
Nice tombe à point.
Aucun acte
aucun signe d’allégeance
de la part de l’auteur.
Momo Lahoua’Boul’
n’a pas souhaité s’alléger :
pas son genre
he’s no good
Nous en reparlerons
fin octobre.
Retrouvons notre Parquet
tout à son ouvrage :
quels examens, quelles expertises,
sur les victimes mortes ?
Blessées ?
Le fonds de garantie doit être vite informé
dit Molins,
pour l’évaluation des préjudices physiques et psychiques.
En effet, le bienfaiteur fonds a décidé
d’indemniser toutes les victimes
dès la première année.
Joke.
Il doit juste estimer
combien donner à peu près
tout de suite.
Il faut établir la longue
complexe
secrète
O combien secrète
LUV.
Même une association de victimes
ne peut obtenir
ce document
et ça lui cause bien des tracas
pour savoir
qui a le droit de la rejoindre.
Telle une ruche
l’institut médicolégal
fourmille
de professionnels
déterminés à agir comme tels.
Pas refaire les bêtises de vendredi 13,
dit Molins.
En préférer de nouvelles.
Loi du 17 mai 2011,
nous explique le grand Molins :
L’autopsie peut être ordonnée par le procureur.
Le praticien doit être diplômé.
Il doit faire les prélèvements biologiques
nécessaires aux besoins de l’enquête.
Sauf pour le méchant,
Molins ne requiert pas
l’habituelle analyse
toxicologique.
"À quoi nous servirait dit-il
de savoir qu’untel
avait consommé du vin ?"
Merci, Ô Procureur des étoiles
pour cette bienveillance.
Tu savais, j’en suis sûr,
que tu privais les experts
de tel fonds d’indemnisation
d’éléments dont ils auraient été friands.
« Votre père écrabouillé avait
ce soir-là,
deux grammes dans le sang !
Buvait-il déjà ainsi
lorsque vous étiez enfant ?
Était-il violent avec votre mère ?
Et à votre égard, avait-il des gestes…
douteux ? »
L’amour filial n’est pas avéré,
aurait conclu dans son rapport
l’infâme Docteur barbu
– combien de victimes en France
implorent la Providence
qu'il soit un jour
défoncé par son Conseil de l’ordre ?
« Ah mais oui ma p’tite demoiselle
mais si vous n’aviez pas fumé
cette cigarette de haschich,
vous l’auriez évité, ce camion.
Et votre jambe, elle serait toujours là !
Alors ? Alors ? On a perdu sa langue, aussi ? »
Pour présenter les corps
dignement
aux familles,
après les attentats du 13 novembre,
la médecine légale disposa
d’un expert en morphologie.
Cette personne savait comment
réparer une boite crânienne.
Il-ne-nous-fut-pas-dit
pourquoi cet habile
maquilleur de guerre
ne vint pas à Nice.
Demande-ton la permission aux familles
pour réparer les boîtes crâniennes ?
La plupart accepteraient.
Mais de quel droit,
d’où,
depuis quel poste,
quel statut,
quelqu’un pourrait-il m’empêcher
de voir le crâne écrasé de ma mère
si telle est ma volonté ?
Sauf invitation,
personne ne doit être toléré
entre un adulte et son mort.
Oui...
Mais ils ne disposent pas
des personnels adaptés
pour gérer l’après présentation.
Vendredi 13
(Molins dit comme ça :
Vendredi 13) :
beaucoup d’autopsies.
Charlie : tous !
Il faut des preuves scientifiques
dans la perspective d’un débat.
On ne peut pas faire l’impasse.
En 45 ans de carrière,
il n’a jamais connu d’affaire
sans autopsie.
Il-ne-nous-fut-pas-dit
dans quel pourcentage d’affaires
elles s’avérèrent utiles.
Aucune ne le fut,
en tout cas,
à Nice.
Couplet fut chanté
sur la grande valeur de l’autopsie
pour mesurer, faire connaître,
faire valoir
l’agonie du défunt.
NOTRE CUL !
pensâmes-nous alors.
Notre cul, notre cul, notre cul !
Des quatorze comptes-rendus,
douze
ne firent pas mention
de telles informations.
A quoi serviraient-elle,
vous demandez-vous ?
Explication.
C’est pour quand vous avez vu votre proche
agoniser,
asphyxier,
et que le Fonds de garantie
– qui doit verser au défunt
un préjudice d’angoisse de mort imminente –
vous déclare
« Il n’aura pas grand-chose :
les morts sont ceux
qui n’ont pas vu venir le camion.
Ils n’ont pas eu peur, pas souffert.
La vôtre si, dîtes-vous ?
Pouvez-vous le prouver ?"
De l’argent pour une morte, oui.
La laisser se faire voler ?
Elle ne l'a pas encore assez été ?
Et l’argent,
sur sa caisse d'épargne Écureuil,
fallait-il laisser la banque le prélever ?
Quatorze autopsies réalisée,
conclut Mollins,
soixante-dix évitées.
La suite demain.
Déjà trop hâte de lire la suite… vos chroniques sont vraiment uniques et tellement différentes des articles de presse « politiquement corrects »!